jeudi 13 juillet 2017

Un battement d'ailes et puis s'en va



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samedi 25 février 2017

[Livre] La Désobéissante de Jennifer Murzeau

Robert Laffont - 5 janvier 2017
270 pages

Paris, 2050. Bulle découvre, catastrophée, qu'elle est enceinte. Autour d'elle, le monde est un naufrage. Sous des dômes, les plus riches se calfeutrent, ignorant les misérables qui se débattent au-dehors, rendus inutiles par l'automatisation. Le chômage a atteint 70%, la violence envahit les rues. Les plus dociles gobent leur Exilnox, les yeux voilés par des implants connectés. Sur les holordis, les murs, partout, brillent les pubs et les flashs info anxiogènes. Alors un enfant, là-dedans... Pourtant le garder, c'est refuser de se résigner. Avec une poignée de hackers, Bulle choisit la lutte.
C'est bien de notre époque dont il est question dans ce roman. Aussi acide et apocalyptique que lumineux et optimiste, il est une célébration du libre arbitre.
(Source : Robert Laffont)

14/20

La Désobéissante est une dystopie à la française, un roman d'anticipation qui prend racine dans notre capitale parisienne pour nous exposer (et dénoncer) des sujets pourtant universels. Et surtout, des sujets très actuels.

Jennifer Murzeau n'y va en effet pas par quatre chemins pour nous présenter ce Paris futuriste dans lequel la société entière n'est plus qu'un amalgame d’injustices, d'inégalités sociales, de désespoir, de violence et d'incertitudes. On imagine sans mal l'atmosphère ultra-polluée, les sans domiciles qui jonchent les rues, la mort qui sévit partout à coup d'agressions ou d'actes terroristes, la difficulté de survivre dans un système qui n'a quasiment plus rien d'humains. Il est à la fois fascinant de contempler ce futur hypothétique dans le confort de notre monde actuel, et terrifiant de réaliser qu'il est déjà possible de trouver des prémices de toutes ces choses horribles dès aujourd'hui. Il n'y a pas à dire, le roman de Jennifer Murzeau est plus proche de notre actualité que l'on peut le croire au départ.
« On clique, on se repaît de l’horreur, on se paye des frissons qui laissent sans voix et sans volonté, qui n’autorisent que l’émotion ou l’effroi. Pas d’analyse, jamais. Mais des flashs, des alertes, des urgences, tout un tas d’injonctions qui obligent l’attention et détournent la réflexion.Vendre l’apocalypse, plutôt que penser la renaissance. »
C'est dans cette époque en perdition que vit notre Désobéissante. Bulle est une jeune femme a priori tout ce qu'il y a de plus banale, si ce n'est qu'elle a la chance (ou la malchance ?) de travailler et de gagner sa vie. Elle a conscience des horreurs de son monde, de ses injustices et se contente de survivre dans son quotidien robotisé et pollué. Jusqu'au jour où elle apprend qu'elle attend un enfant. La grossesse de Bulle devient alors le déclic, l'instant de cassure amené par toutes les questions qui surviennent avec la venue de cet enfant : comment accueillir un enfant dans un tel monde, comment vouloir faire subir à un petit être de telles atrocités ?
Bulle le décide alors, la seule façon de s'en sortir, et de se rebeller, de ne plus plier l'échine et d'avancer.
« "Je suis un vieil homme, mademoiselle. Un vieil hommes las, et aigri, n'ayons pas peur des mots, alors je peine à me projeter dans une mouvance révolutionnaire. Mais je sais que certains n'ont pas tout à fait renoncé." »
S'il y a évidemment quelque chose de fascinant dans la Désobéissante, c'est l’aperçu de ce futur hypothétique. Celui qui frôle la science-fiction avec ses avancées technologiques, ses grands dômes de verre qui parsèment la capitale, ses métros version 2.0, ses unités robotiques qui parcourent les rues. Et celui que l'on pense improbable mais qui nous rappelle à force de détails vers quoi notre monde pourrait facilement tendre si nous ne réagissons pas. La dénonciation de l'auteur combine tour à tour le réchauffement climatique, les inégalités, le pouvoir des industries et de leur lobbies, la soumission passive, autant d'éléments déjà ancrés dans notre actualité et dont j'ai adoré voir les dérives décrites et imaginés. Pourtant, cet élément qui m'a tellement plu, est également celui qui m'a le plus dérangé. La Désobéissante et un roman assez court, (seulement 270 pages), l'auteur va souvent droit au but et use donc de caricatures et clichés assez incisifs et d'un ton très vindicatif qui m'ont parfois semblé très froid, plus proche de la simple dénonciation que tu ressentis des personnages. Pour dire les choses clairement : pour moi, ça manquait parfois clairement d'émotions et de poésie. Je n'ai pas toujours réussi à être touchée par les personnages et ce qu'ils endurent, par leurs difficultés, leurs rêves de changements et d'avenir meilleur. Je n'ai pas entièrement réussi à m'investir dans cette histoire par laquelle j'aurais aimé me sentir totalement concernée.

Reste à ce nouveau roman de Jennifer Murzeau sa force dénonciatrice, sa grande actualité qui en fait un livre dans l'air du temps et sa capacité à nous faire croire, et espérer, que dans le pire à venir, il pourra aussi y avoir de l'espoir et des solutions pour s'en sortir.



vendredi 6 janvier 2017

[Livre] Quelques minutes après minuit de Patrick Ness

Gallimard, Folio Junior - 21 novembre 2016
208 pages
Sortie originale : 11 mai 2011
Titre Vo : A Monster Calls

Depuis que sa mère est malade, Conor, treize ans, redoute la nuit et ses cauchemars.
Chaque fois, quelques minutes après minuit, un monstre apparaît sous la forme d'un arbre gigantesque qui apporte avec lui l'obscurité, le vent, les cris.
Le monstre vient chercher quelque chose de très ancien et de sauvage.
Il veut connaître la vérité...
(Source : Gallimard)

17/20

Quelques minutes après minuit fut, le temps de quelques jours (le temps de lire le livre juste avant d'aller voir l'avant-première de son adaptation par Juan Antonia Bayona au cinéma), une vraie bouffée d'oxygène à la fois libératrice et bouleversante.
« Mais qu'est ce qu'un rêve Conor O'Malley ? dit le monstre en se penchant pour rapprocher son visage de celui du garçon. Qui peut dire que ce n'est pas tout le reste qui est un rêve ? »
La vie de Connor n'a rien de rose, on le comprend dès le début de son histoire lorsque, dès les premières pages, on se retrouve face au constat de la maladie de sa mère. Malgré tout, le ton reste assez enfantin au départ, on est après tout dans la tête d'une jeune garçon de treize ans. Ce n'est que progressivement que l'aspect très sombre du roman s'infiltre dans le ton du récit. On se retrouve alors face à ce petit bout d'homme pris au dépourvu, plaqué au sol par des évidences qu'il ne parvient pas à accepter, embarqué dans une spirale dont il ne parvient plus à s'échapper. Pour Connor, la solution à cette avalanche qui vient bouleverser son univers est le Monstre. Il apparaît toutes les nuits à 00:07 pile et lui affirme qu'il a trois histoires à lui raconter avant que ce soit au tour de Connor de lui raconter sa propre histoire.
« Les histoires sont les choses les plus sauvages de toutes, gronda-t-il. Les histoires chassent et griffent et mordent. »
Sous le couvert du fantastique, Patrick Ness nous raconte l'histoire de l'acceptation, de la vérité et de ses conséquences. On se retrouve entraîné dans les colères, les peurs et l'impuissance de ce jeune garçon qui ne  parvient plus à garder pieds dans les événements qui s’enchaînent. Plus qu'un simple récit sur la maladie, le deuil et la crainte de perdre un proche, Quelques minutes après minuit est une quête initiatique, un hymne à l'amour, un roman d'apprentissage aux aspects de conte qui nous percute et nous enchante autant qu'il nous effraie. 
« On n'écrit pas sa vie avec des mots. On l'écrit avec des actes. Ce que tu penses n'est pas important. C'est ce que tu fais qui compte. »
Avec le roman de Patrick Ness, une certitude : petits comme adultes, on en prend à la fois plein les yeux grâce aux sublimes illustrations de Jim Kay, mais aussi plein l'esprit grâce à la magnifique plume de l'auteur et finalement, également grâce aux sujets, plein les idées.