mardi 29 mars 2016

[Film] Zootopie de Byron Howard

Américain - 1h48
Année : 2016
Sortie en France le 17 février 2016
Avec : Ginnifer Goodwin, Jason Bateman, Idris Elba

Titre Vo : Zootopia

Zootopia est une ville qui ne ressemble à aucune autre : seuls les animaux y habitent ! On y trouve des quartiers résidentiels élégants comme le très chic Sahara Square, et d’autres moins hospitaliers comme le glacial Tundratown. Dans cette incroyable métropole, chaque espèce animale cohabite avec les autres. Qu’on soit un immense éléphant ou une minuscule souris, tout le monde a sa place à Zootopia !Lorsque Judy Hopps fait son entrée dans la police, elle découvre qu’il est bien difficile de s’imposer chez les gros durs en uniforme, surtout quand on est une adorable lapine. Bien décidée à faire ses preuves, Judy s’attaque à une épineuse affaire, même si cela l’oblige à faire équipe avec Nick Wilde, un renard à la langue bien pendue et véritable virtuose de l’arnaque …
(Source : Allociné)

14/20



Autant le dire directement : Zootopie est l'une de mes plus grandes déceptions côté animation sur ces derniers mois. Lorsque je n'attends rien d'un film et que je me retrouve devant un divertissement correct, ok, ça passe encore. Mais pour un film qu'on a vanté comme étant l'un des meilleurs films d'animation récents... sérieusement ? Comment voulez-vous ne pas être déçue !

Je m'emporte peut-être un peu vite, car le film reste ce qu'il est : un Disney, et donc un film divertissant et qui a, en plus, le mérite d'être très beau visuellement. Les décors, les couleurs, les frimousses des animaux, il n'y a pas à dire l'univers est beau et mignon. Mais c'est sans doute ce qui m'a posé problème : c'est très mignon, mais ça ne va pas plus loin.


Zootopie est ce que j'appelle un film à scénario creux. C'est à dire, un film avec une histoire qui semble bien construite, mais qui ne repose que sur des clichés, des facilités et du vide. Pas de réelles prises de risque, on ne sort pas des sentiers battus, c'est du Disney tout craché, on reste dans ce que le studio sait faire de mieux. Pourtant, même en restant dans un esprit très Disney (que j'adore normalement), j'ai trouvé le film bien fade. Si  certains messages font mouche (je suis une fille, je ne peux qu'encourager l'idée de mettre en avant des personnages féminins qui dépassent leurs limites et les préjugés), ceux sur la tolérance, la différence sont bancales, je n'ai pas toujours trouvé les analogies humains/animaux, faibles/forts, persécutés/persécuteur très subtiles.


Et surtout, j'allais voir Zootopie pour rigoler. Je dois être franchement insensible à l'humour animal parce que s'il m'est arrivé de sourire parfois ou d'être amusée de temps à autres, je n'ai pas rigolé de toute la séance. Encore une fois, le film tombe dans la facilité et nous propose un humour très jeune enfant, dans lequel on ne se retrouve pas forcément plus grand. C'est dommage, surtout que les studios d'animation ont largement prouvé qu'ils étaient capables de faire des films avec des situations et de l'humour compréhensibles à plusieurs niveaux pour que, enfants comme adultes, chacun y trouve son compte. Le plus drôle du film étant les scènes avec les paresseux, qu'on avait déjà vu douze millions de fois dans les bande-annonces, niveau humour, on repassera.

Si d'un côté, je n'ai pas envie de saquer le film car il reste plaisant à regarder, de l'autre, on est bien loin d'un Vice-versa (dernier film de Disney m'ayant vraiment beaucoup plu) ou d'un Raiponce (du même réalisateur). Bref, quelle déception de ne vraiment pas être tombée sur le super film d'animation dont on m'avait parlé.


lundi 28 mars 2016

[Livre] Involution de Johan Heliot

J'ai lu - 2015
220 pages
Date de parution originale : 15 janvier 2014

 L’AMAS – pour Anomalie Magnétique de l’Atlantique Sud – préoccupe les scientifiques du monde entier : si ce qu’enregistrent les instruments de mesure est avéré, on a peut-être affaire à un phénomène géophysique d’une ampleur inégalée depuis l’extinction des dinosaures. Les villes du continent sud-américain sont les premières à en percevoir les effets : à São Paulo, tous les appareils de communication commencent à se dérégler. Pas de chance pour Vincent, un Français qui vient juste d’être embauché par Globo, le nouveau géant brésilien de l’internet mondialisé ; ni pour Chloé, son ex, venue avant lui au Brésil pour fuir leur relation moribonde. C’est même encore pire pour la jeune femme : responsable du projet de forage pétrolier le plus ambitieux jamais conçu, elle se trouve aux premières loges pour assister à l’Apocalypse...
(Source : J'ai lu)

13/20


Qu'il partait bien ce roman ! Une touche d'anticipation (des décennies après la notre), une touche de SF avec les avancées technologiques qui vont avec (dont Globo, ce merveilleux moteur de recherche intelligent) et un début de scénario de catastrophe naturelle comme je les aime (mettant en jeu le géomagnétisme et l'Anomalie magnétique de l'Atlantique Sud pour ceux que ça intéressent). Mais encore aurait-il fallu exploiter tous ces éléments correctement, et Involution me laisse au final, un sale goût d'inachevé.

« Depuis les débuts de notre civilisation, on s'est habitués à l'idée même de notre permanence – je te parle du vulgum pecus, pas du timbré millénariste. C'est pourtant une erreur du point de vue de l'évolution. La plupart des gens croient dur comme fer qu'on est là pour toujours, du moins pour très longtemps. Même si on sait qu'un jour le Soleil finira par mettre le holà à cette petite plaisanterie cosmique appelée la vie, qui se lève en y pensant sérieusement ? »

Prenons la construction de l'histoire pour commencer. L'intercalation entre les chapitres de morceaux d'articles parus sur le web sur les événements qui se déroulent est sympa, certes. Ça donne un point de vue plus général sur ce qui arrive et permet de mieux situer le contexte de l'histoire. Mais c'est surtout nécessaire car on en a bien besoin, vu le nombre d'ellipses et de détails qui passent à la trappe : on a parfois du mal à comprendre comment tout peut s'enchaîner si facilement. Le format court du roman s'explique alors (seulement 220 pages), il aurait peut-être fallu étoffer au lieu d'aller si vite en besogne.

« Qui a jamais vraiment accepté de se considérer à titre individuel comme un simple incident dans le jeu complexe de l'évolution ? »

Il en résulte que le roman a très peu de rythme. On se contente de suivre les événements, comme s'ils nous étaient exposés, plutôt que de les vivre avec les personnages. Des personnages qui manquent également de consistance. On n'a pas le temps d'apprendre à réellement les connaître ou à les apprécier. Ils nous sont présentés rapidement : Vincent, l'ex-mari, Chloé, son ex-femme, Sébastien, un petit génie milliardaire et César, un malfrat brésilien, baron de la drogue. Tous, expédiés en quelques pages.

« L'univers des abysses demeure un mystère à de nombreux points de vue, mais pas autant que celui des entrailles de la Terre. Un siècle et demi plus tôt, Jules Verne les avait peuplé d'une vie foisonnante. Une idée peut-être pas si absurde, d'ailleurs. La découverte de forme de vie extrêmophiles, capables de supporter d'énormes pressions et des températures élevées, a depuis relancé le débat. Bien sûr, plus personne ne rêve de dinosaures ou de créatures disparues de la surface, mais d'organismes unicellulaires , de bactéries plus âgées encore que ces bons vieux sauriens géants – plus résistantes, en somme, parce que discrètes et adaptées aux pires conditions d'existence concevables. »

Mais ce qui m'a le plus dérangé finalement, ce n'est pas forcément comment l'histoire est écrite, mais l'histoire en elle-même. Si je la trouvais très intéressante au début, le retournement de situation assez conséquent qui arrive en plein milieu m'a laissé complémentent dubitative (pour éviter de spoiler, je ne dirais pas de quoi il s'agit, ceux qui auront lu le livre comprendront, ceux qui seraient curieux de le savoir, n'auront qu'à jeter un coup d’œil au roman). Pour dire les choses clairement : ça sort de nulle part et ça ne fait aucun sens. Surtout que tout le monde accepte très facilement tout ce qui se passe ce qui semble totalement abracadabrant (la faute aux ellipses je présume, qui ne permettent pas de voir la situation évoluer correctement).

Malgré les sujets évoqués qui auraient pu être fascinants (notamment les questions sur tout ce qui touche à l'évolution humaine et technologique), ce petit roman de science-fiction sous forme de techno-thriller est loin de m'avoir convaincu avec son histoire bien trop fade et son manque de réalisme (ou de crédibilité du moins).





mardi 15 mars 2016

[Livre] Bird Box de Josh Malerman

LGF - Le livre de poche, 2015
384 pages
Date de parution originale : 27 mars 2014

La plupart des gens n'ont pas voulu y croire, les incidents se passaient loin, sans témoins…
Depuis qu'ils sont nés, les enfants de Malorie n'ont jamais vu le ciel. Elle les a élevés seule, à l'abri du danger, sans nom, qui s'est abattu sur le monde. On dit qu'un coup d'œil suffit pour perdre la raison, être pris d'une pulsion meurtrière et retourner sa violence contre soi. Elle sait que bientôt les murs de la maison ne pourront plus protéger ses petits. Alors, les yeux bandés, tous trois vont affronter l'extérieur, et entamer un voyage terrifiant sur le fleuve, tentative désespérée pour rejoindre une colonie de rescapés. Arriveront-ils à bon port, guidés seulement par l’ouïe et l’instinct ?
Un climat de tension habilement instauré, qui vous fera sursauter au moindre bruit. 
(Source : LGF - Le livre de poche)

16/20

Bird Box est un de mes récents coup de cœur. Premier roman du chanteur et guitariste du groupe de rock The High Strung, j'aurais été à mille lieux d'imaginer ce que j'allais découvrir en me plongeant dans le roman. Et pourtant, avec son ambiance apocalyptique, ses personnages attachants et ses bonnes idées pleines d'originalité, il ne m'en a pas fallu plus pour me faire engloutir dans les méandres de l'histoire...
« Dans un monde où l’on ne peut pas ouvrir les yeux, un bandeau ne reste-t-il pas la seule chose à laquelle on puisse aspirer ? »
Les histoires apocalyptiques ne sont plus aussi rares à découvrir en littérature, pourtant Josh Malerman arrive clairement à se démarquer et c'est déjà un point qui change complètement la donne me concernant. Car si les ingrédients de bases sont bien là (l'élément perturbateur, le chaos, les morts, la survie, l'horreur de la situation), ce qu'il y a d'original dans Bird Box, c'est la cause de la fin du monde. Du début à la fin du roman, le lecteur - à l'image des personnages - ignore complètement pourquoi le monde a sombré en pleine apocalypse. Aux côtés d'une jeune femme, Malorie, on suit l'apparition d'un mal étrange qui pousse les gens à tuer avant de se suicider, animés par la folie après avoir vu... eh bien, après avoir vu quelque chose. On parle de créatures le plus souvent, de sorte de monstres dont on ne sait rien, ni l'apparence, ni les intentions, ni même la véritable existence. Ce quelque chose n'est finalement jamais vraiment expliqué, imagé. Il prend corps uniquement dans la terreur que les personnages éprouvent face à cet inconnu si dangereux dont ils ne savent rien. Pour éviter de perdre la raison en apercevant ces monstres, les gens prennent dès lors l'habitude de se bander les yeux, de se calfeutrer chez eux et de ne plus sortir à l'extérieur. 
« C’est la Terre tout entière qui est devenue une prison, tout aussi confinée que les oiseaux dans leur cage dehors. Et Tom, Malorie le comprend, cherche désespérément un moyen d’en ouvrir le couvercle. Un moyen de s’en échapper. Mais comment savoir s’il n’y a pas de deuxième couvercle au-dessus du premier, puis encore un troisième ? Enfermés, s’avise-t-elle. Nous sommes enfermés pour toujours. »
L'histoire prend alors deux dimensions. Celle de l'intérieur, lorsque les personnages sont cachés entre leurs murs, et celle de l'extérieur, lorsque, poussés par le désir de survivre, ils se retrouvent à devoir sortir. Dans les deux cas, on se sent complètement perdus, aveugles nous aussi. Soit on ne voit rien car ils sont aveuglés, soit c'est l'ignorance quant à l'état de la situation qui nous plonge dans l'obscurité. Et surtout, cette absence de connaissance sur ce qu'il se passe vraiment, sur ce qui peut arriver, enrobe toute l'histoire d'une aura sombre et angoissante qui est délectable. J'adore les romans d'horreur, et si Bird Box reste assez léger dans le genre, on peut cependant lui reconnaître un suspense et une atmosphère extrêmement bien maîtrisés qui ne laisseront pas les plus sensibles indifférents.
« Elle avait alors ressenti la brûlure d'une peur panique l'envahir. Rien à voir avec celle qu'une femme peut éprouver à conduire une voiture au pare-brise noirci, non - le genre de peur qui frappe quand, un bandeau sur les yeux, on prend soudain conscience de ne pas être seul dans une pièce. »
Et s'il est si facile d'éprouver un brin d'angoisse face à tout ce qui arrive, c'est également parce qu'on ne peut s'empêcher de s'attacher aux personnages, ainsi que de se mettre à leur place. Tom, Felix, Jules, Olympia. On n'apprend pas tous à les connaître très bien, puisque l'histoire tourne surtout autour de Malorie, pourtant, à travers des détails de leur vie d'avant ou de leur personnalité, on trouve des failles, des aspects profondément humains qui les rendent attachant.

Le résumé du roman était alléchant, pourtant je me méfie toujours un peu de ces quatrièmes de couvertures très aguicheuses qui se trouvent être parfois plus intéressantes que les roman eux-mêmes. Eh oui, quand on a une bonne idée, encore faut-il réussir à l'exploiter. En ce qui concerne Bird Box, le défi est relevé haut la main. De l'écriture en passant par la construction de l'histoire, par la tension constante ou encore par les idées utilisées, tout m'a conquise dans ce thriller. À voir ce que l'auteur nous réserve pour la suite !





lundi 14 mars 2016

[Livre] Les Femmes de Stepford d'Ira Levin

J'ai lu, 1976
160 pages
Date de parution originale : septembre 1972
Titre VO : The Stepford wives

Qu'arrive-t-il donc aux femmes de Stepford ? Ont-elles toujours été, ainsi que Joanna les découvre en s'installant dans cette ville, de véritables poupées ménagères, uniquement préoccupées de l'entretien de leur intérieur et du bien-être de leur famille ? Ou alors sont-elles victimes de leurs maris, tous adhérents du « Club des Hommes », qui se réunissent chaque soir dans une vieille bâtisse mystérieuse interdite aux femmes ? Joanna, jeune femme libérée, tente de créer une association féminine avec l'aide de deux amies nouvellement arrivées. Quelle n'est pas sa stupeur de les voir, à leur tour, se transformer brusquement, à l'image des autres femmes de la ville. L'inquiétude devient rapidement de l'angoisse... Joanna réussira-t-elle à échapper à ce cauchemar aseptisé, climatisé, lot quotidien des femmes de Stepford ?
(Source : J'ai lu)

14/20

J'aime beaucoup voir des auteurs s'attaquer au machisme et briser les codes du cliché de la femme au foyer destinée à s'occuper de la maison, des enfants, et de son tendre époux. Ici, Joanna et sa famille débarque à Stepford, une petite ville calme, propre et bien rangée, peut-être même un peu trop, comme notre héroïne ne tarde pas à le remarquer. Car à Stepford, il semblerait que chaque épouse se soit transformée en parfaite ménagère, ce qui met vite la puce à l'oreille de Joanna : la jolie ville cache un secret, et il semblerait même que les maris aient quelque chose à voir là-dedans...

« Les villes, déclara-t-elle, se créent peu à peu leur propre personnalité en fonction des gens qui choisissent d'y vivre. »

Ira Levin fait partie de ses auteurs caméléon qui sont capables d'écrire des histoires de tous les genres. De l'anticipation au fantastique, le voici ici dans une SF très diffuse, à peine présente même, qui sert juste de possible explication à son histoire. Le reste tient plus du thriller, avec un suspense qui monte graduellement jusqu'au dénouement du livre. On est curieux de découvrir la drôle de machination qui se cache derrière tout ça, ce fameux complot qui m'a beaucoup fait penser à Rosemary's Baby, à croire qu'Ira Levin aime mettre des femmes au cœur de ses idées tordues.

« Que dites-vous de la blancheur de ma lessive ? demanda-t-elle toute fière de ranger le jersey aux plis impeccables dans le panier à linge. Telle une actrice publicitaire. En fait, elle l'était, comprit brusquement Joanna. Elles l'étaient toutes, sans exemption, ces femmes de Stepford. Des actrices de bande publicitaire, ravies de leur choix en matière de lessive, cire et produits de nettoyage ; de leurs shampooings comme de leurs désodorisants. De jolies actrices, fortes de poitrine mais faibles de talent, qui jouaient sans conviction les ménagères de banlieue, trop chochottes pour être vraies. »

Du reste, si j'ai apprécié ma lecture, je regrette les quelques facilités prises par l'histoire, notamment la déconcertante facilité de Joannah à déduire et accepter des hypothèses un brin tirées par les cheveux, ainsi que la fin qui, bouclant la boucle, est assez ironique, mais arrive tout de même très rapidement. On aurait peut-être aimé un peu plus d'explications.

Le roman reste agréable à lire, et si ceux qui ne connaissent pas Ira Levin seront peut-être déçus par cette première approche, ceux qui aiment l'auteur passeront certainement un bon moment.





jeudi 3 mars 2016

[Livre] En un monde parfait de Laura Kasischke

Lgf - Le livre de poche, 2011
352 pages
Date de parution originale : 6 octobre 2009
Titre VO : In a Perfect World

Jiselle, la trentaine et toujours célibataire, croit vivre un véritable conte de fées lorsque Mark Dorn, un superbe pilote, veuf et père de trois enfants, la demande en mariage. Sa proposition paraît tellement inespérée qu'elle accepte aussitôt, abandonnant sa vie d'hôtesse de l'air pour celle, plus paisible croit-elle, de femme au foyer. C'est compter sans les absences répétées de Mark, les perpétuelles récriminations des enfants et la mystérieuse épidémie qui frappe les États-Unis, leur donnant des allures de pays en guerre. L'existence de Jiselle prend alors un tour dramatique...
(Source : LGF - Le livre de poche)


17/20


Il n'y a rien d'extravagant ou de surfait dans l'écriture de Laura Kasischke, tout est écrit avec la justesse la plus totale. C'est ce qui me plaît tant dans ses histoires, cette capacité à retranscrire le banal tout en essayant de brusquer la normalité de l'univers raconté. Il y a un toujours un léger voile de fantastique qui recouvre ses histoires. Une impression inquiétante, dérangeante qui prend corps dans le comportement d'un enfant, dans une mystérieuse épidémie, dans l'éloignement d'un époux.

« Sa mère lui avait demandé : "Quel genre de femme consent à épouser un homme qu'elle connaît depuis trois mois ? Un homme qui a trois enfants? Un homme dont elle n'a pas rencontré les enfants ? "
Si Jiselle avait été un type différent de fille ou de femme, elle aurait pu répondre : "Le genre de femme que je suis maman" ; mais même au temps de son adolescence, alors que sa meilleure amie lançait communément à la tête de sa propre mère "Salope, je te déteste!" Jiselle présentait des excuses à la sienne pour n'avoir pas dit "s'il te plaît" en redemandant de la salade.
Au lieu de cela, elle répondit : "Je l'aime, maman". Sa mère eut un reniflement dégoûté. »

Pas d'apocalypse fulgurante pour cette histoire aux airs de fin du monde. L'auteur nous plonge lentement dans l'apparition de ce virus étrange, sans pour autant en faire le centre de son histoire. J'aime énormément la façon dont elle utilise cet élément en arrière-plan, comme une sorte de cassure dans l'univers de Jiselle, la protagoniste, et de ses aspirations d'épouse, de mère, de monde parfait, et  préférant mettre en avant des sujets de réflexion tels que les relations humaines, les réactions face à l'adversité, l'adaptation à l'inconnu en les exposant avec un tel réalisme que c'en est fascinant.

« Jiselle reposa le journal intime sur le canapé, là où elle l'avait trouvé, et sortit avec l'arrosoir. Il faisait déjà trente degrés, mais une brise matinale soufflait de l'ouest, apportant avec elle les senteurs du ravin. Elle s'en emplit les poumons, puis s'agenouilla pour regarder sous les pierres qui séparaient le jardin de la pelouse. Cela faisait un mois qu'elle était épouse et belle-mère.Là, dans un coin d'ombre, se pressait un cercle de violettes, bleu pâle et mauves. Menues, tendres, soyeuses, papillotantes. Si elles étaient douées de la parole, se dit Jiselle, elles glousseraient de rire.Elle les avait remarquées quelques jours plus tôt en passant le râteau. Cette tache de couleur au milieu des feuilles mortes délavées et autres débris de l'été avait accroché son regard, et elle s'était accroupie pour les compter (vingt-trois, vingt-quatre, vingt-cinq) avant de les recouvrir.Ces violettes avaient réussi à traverser canicule et sécheresse. L'été le plus chaud et le plus sec depuis un siècle. Est-ce qu'elles ne méritaient pas des égards particuliers ? Si le bon Dieu ne les leur témoignait pas, il lui revenait à elle de s'en charger.Dès lors, sortant chaque jour avec son arrosoir, Jiselle était invariablement surprise de trouver toujours en vie ces petites fleurs nichées dans leur ombreuse fissure. »

L'écriture de Laura Kasichke a la faculté de faire découvrir l'humain sous une dimension tellement différente et avec une telle profondeur que j'en suis toujours bouleversée. Outre la beauté du style, ses mots poussent à la réflexion, trouvent le lecteur et le happent pour ne plus le lâcher jusqu'à la fin du livre. C'est un sentiment que je retrouve dans très peu de romans et que peu d'auteurs arrivent à me faire ressentir. Laura Kasischke fait mouche à chaque fois, ça ne rate jamais, et, à travers sa plume, il est à la fois bouleversant, cocasse et perturbant d'observer le monde des personnages basculer.





mercredi 2 mars 2016

[Livre] Nue de Jean-Philippe Toussaint

Les Éditions de Minuit, 2013
170 pages
Date de parution originale : 5 septembre 2013

La robe en miel était le point d’orgue de la collection automne-hiver de Marie. À la fin du défilé, l’ultime mannequin surgissait des coulisses vêtue de cette robe d’ambre et de lumière, comme si son corps avait été plongé intégralement dans un pot de miel démesuré avant d’entrer en scène. Nue et en miel, ruisselante, elle s’avançait ainsi sur le podium en se déhanchant au rythme d’une musique cadencée, les talons hauts, souriante, suivie d'un essaim d’abeilles qui lui faisait cortège en bourdonnant en suspension dans l’air, aimanté par le miel, tel un nuage allongé et abstrait d’insectes vrombissants qui accompagnaient sa parade.
(Source : Les Éditions de Minuit)

14/20


Nue est le quatrième roman de la série Marie Madeleine Marguerite de Montalte. C'est la conclusion de cette quadrilogie qui tourne autour d'un même couple, celui formé par le narrateur et par cette fameuse Marie. J'ai commencé la série il y a quelques années et j'étais bien décidée à aller jusqu'au bout de l'histoire (qui me plaît en plus de ça), pourtant je dois avouer que ce quatrième tome est loin de remplir mes attentes.

En réalité, ce roman aurait très bien pu se retrouver imbriqué dans La vérité sur Marie, le tome précédent, sans que cela soit dérangeant. Car en plus d'être très court, l'histoire se suit réellement comme le prolongement des événements de La Vérité sur Marie plus que comme un nouveau chapitre de la vie du couple.

«  Et je me rendais compte alors que j'étais en train de ressasser toujours les mêmes visions heureuses, que c'était toujours les mêmes images estivales de Marie qui me venaient en tête, comme filtrées dans mon esprit, épurées des éléments désagréables, et rendues plus attendrissantes encore par l'éloignement temporel qu'elles commençaient à prendre depuis mon retour. »

La façon dont les événements sont racontés, l'aspect répétitif de l'histoire. Tout nous renvoie au livre qui précède ce quatrième volet. Alors, d'un côté, l'impression de miroir est très intéressante (même scénario au premier abord, mais aboutissement totalement différent au final, les deux histoires semblent être des échos l'une de l'autre, la première, comme un négatif de la seconde), mais à la lecture, ça reste tout de même très répétitif malgré que le style de Jean-Philippe Toussaint soit toujours aussi plaisant à lire.
Je suis toujours fascinée par la façon dont le narrateur parle de Marie, de cette femme qu'il connaît si bien et qu'il semble pourtant toujours redécouvrir. L'écriture de Toussaint est, me concernant, l'une des premières face à laquelle je retrouve le sentiment d'amour exposé de façon si réaliste, si brute et complexe à la fois.

 « Il y avait toujours eu, chez Marie, une qualité d'émotion incomparable, qui ne tenait pas tant aux circonstances réelles qui provoquaient ses réactions affectives qu'à cette disposition océanique que j'avais repéré en elle, qui acérait sa sensibilité, l'exacerbait et faisait vibrer ses sentiments avec une intensité hors du commun. » 

Si ce dernier tome m'a un peu déçu, dans l'ensemble, j'ai aimé découvrir le cycle de Marie, avec sa construction qui m'a plu, car si la révélation au cœur du roman est assez prévisible, j'aime la façon dont cet ultime volet permet de clôturer l'histoire entre Marie et le narrateur et, à la fois, de leur offrir un nouveau commencement. Pour en comprendre toute la complexité et tous les aboutissements, il faut vraiment prendre la série (l'année, puisque chaque tome se rapporte finalement à une saison pour former une année complète) dans son entièreté, ce que je trouve très intéressant.




mardi 1 mars 2016

[Challenge] Récapitulatif du Ciné Challenge Seriebox 2015

L'année 2015 est terminée depuis deux bons mois et j'avoue avoir un peu zappé les Challenges annuels (que ce soit pour les films ou les livres d'ailleurs) auxquels je m'étais inscrite. Pourtant, j'ai validé certains des objectifs fixés !
Avec seulement 94 films vus sur les 100 demandés, je n'ai pas validé le Ciné Challenge Seriebox 2015, par contre, le Mini-Challenge Horreur 2015 est enfin complet avec 50/50 films vus avant la fin de l'année dernière. Voilà ce que j'avais pensé des quatre films qu'il me restait à voir.



Martyrs de Pascal Laugier
Français - 1h42 | Sortie en France le 3 septembre 2008
Avec : Morjana Alaoui, Mylène Jampanoï, Catherine Bégin

France, début des années 70. Lucie, une petite fille de dix ans, disparue quelques mois plus tôt, est retrouvée errant sur la route. Son corps maltraité ne porte aucune trace d'agression sexuelle. Les raisons de son enlèvement restent mystérieuses. Traumatisée, mutique, elle est placée dans un hôpital où elle se lie d'amitié avec Anna, une fille de son âge. 15 ans plus tard. On sonne à la porte d'une famille ordinaire. Le père ouvre et se retrouve face à Lucie, armée d'un fusil de chasse. Persuadée d'avoir retrouvé ses bourreaux, elle tire.

15/20

Martyrs prouve une fois de plus que les français sont quand même plutôt doués dans le genre horrifique. Le film n'épargne pas le spectateur, durant une heure et quarante minutes, on se mange constamment de la violence en pleine tête. C'est dérangeant et malsain, mais ce n'est pas gratuit, on sent qu'il y a une réelle volonté d'amener une réflexion... même si celle-ci est un peu bancale. 
Le film se découpe en deux parties, la première plus horrifique que l'autre qui explique et donne surtout des réponses (tout en restant dans un contexte rempli de malsain et de violence avec des images vraiment éprouvantes). J'ai d'ailleurs plus apprécié la première partie qui m'a énormément frappée, plutôt que la fin et ses explications qui ne m'ont pas tout à fait satisfaite, même si l'idée est intéressante.
Les deux actrices principales sont très convaincantes, leur façon de jouer amène le spectateur à s'immerger très facilement dans l'histoire et à réellement ressentir la terreur telle que leurs personnages la ressentent.



Oculus de Mike Flanagan
Américain - 1h45 | Sortie aux USA le 11 avril 2014
Avec : Karen Gillan, Brenton Thwaites, Rory Cochrane

Une femme essaie de disculper son frère, accusé de meurtre, en prouvant que le crime a été commis par un phénomène paranormal.

14/20

Un film d'horreur pour le moins étrange. On met un moment à comprendre où on essaye de nous amener, mais une fois que les choses prennent du sens, on est captivé par le scénario minutieusement ficelé. C'est affreusement alambiqué et l'idée est bien trouvée. 
J'ai bien aimé l'aspect huis-clos de l'histoire, le gros du scénario se déroulant en effet dans la maison des protagonistes. Le mélange des temps (passé et présent) est parfois compliqué à suivre mais ça reste un aspect du film que j'ai bien aimé ; il est intéressant de pouvoir suivre les deux histoires à la fois (comment les personnages en sont arrivés là, et ce qui en découle aujourd'hui et motive leurs actions).



Apparences de Robert Zemeckis
Américain - 2h05 | Sortie en France le 13 septembre 2000
Avec : Harrison Ford, Michel Pfeiffer, Joe Morton

Norman Spencer et sa femme Claire semblent former le couple idéal. Mais lorsque Claire commence à avoir des visions leur paisible vie prend une toute autre tournure. Un nouveau voisin étrange et les souvenirs d'un accident de voiture font ressurgir le spectre d'un passé dérangeant. Le couple survivra-t-il à cette épreuve ? 

14/20


Un thriller fantastique plus qu'un film d'horreur à mon sens, mais le suspense reste bien mené. Je regrette juste la fin trop attendue, on le sent venir à des kilomètres.


Morse de Tomas Alfredson
Suédois - 1h54 | Sortie en France le 4 février 2009
Avec : Kare Hedebrant, Lina Leandersson, Per Ragnar

Oskar est un adolescent fragile et marginal, totalement livré à lui-même et martyrisé par les garçons de sa classe. Quand Eli s'installe avec son père sur le même pallier que lui, Oskar trouve enfin quelqu'un avec qui se lier d'amitié. 

15/20

J'ai vu le remake américain Laisse-moi entrer de Matt Reeves deux ou trois fois, je connaissais donc l'histoire et j'avais un peu peur de m'ennuyer devant l'absence de surprise d'un scénario qui ne m'était plus inconnu. Mes craintes ont vite été effacées dès les premières minutes du film.
Je ne sais pas si c'est l'effet "film nordique" mais j'ai trouvé l'ambiance bien plus sombre et par conséquent, bien plus en adéquation avec l'histoire. Une histoire de vampire, avec de la vraie violence et de la vraie hémoglobine. Ce respect du mythe originel m'a beaucoup plu, la créature retrouve son aspect horrifique... et ce, même si elle est incarnée par une enfant. Les deux jeunes acteurs interprétant Eli et Oskar sont d'ailleurs excellents. J'ai adoré le lien très fort qui se crée entre eux.


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Je ne regrette pas d'avoir découverts ces quatre films, que j'aurais sans doute mis bien plus de temps à regarder s'il n'y avait pas eu le challenge pour m'y pousser. En tout cas, ça me donne envie de retenter pour 2016 !