mercredi 8 juin 2016

[Livre] Théodose le Petit de Razvan Radulescu

Zulma, mars 2016
512 pages
Date de parution originale : 2006
Titre VO : Teodosie cel Mic

Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes si d’infâmes conspirateurs – le très retors Silure et le cruel duc d’Ottobourg – ne complotaient à renverser le trône du paisible Théodose…
(Source : Zulma)

16/20

Étrange roman que voilà ! Derrière cette drôle de couverture bariolée de champignons et de fraises (les couvertures de Zulma sont décidément toujours aussi chouettes) se cache une histoire tout aussi haute en couleurs. Ne vous laissez pas rebuter par une quatrième de couverture foisonnante d'informations qui pourrait supposer une lecture longue et laborieuse, Théodose le Petit est un des livres les plus amusants et faciles à découvrir qu'il m'ait été donné de lire.
« Dans la véranda de sa maison, à laquelle on accédait par un escalier, Théodose le Petit demanda qu'on lui apportât son fauteuil à bascule, pour pouvoir regarder à son aise le jardin.- Je suis malade, annonça-t-il au Chatchien, et je veux des fraises. Apporte-m'en. »
Dans un royaume imaginaire (ou presque, puisque Bucarest en est la capitale), Théodose, jeune prince héritier du trône, coule des jours heureux chaperonné par son tuteur, le Chatchien et ses amis Otilia la fantôme, Calliope la chouette ou encore Samuel le minotaure. Bien sûr, puisque tout ne peut toujours aller bien dans le meilleur des mondes (et que, sinon, il n'y aurait pas de roman), les choses commencent à se gâter quand les vilains de l'histoire (le colérique Silure et le cruel Otto) se mettent chacun en tête de s'accaparer le royaume (dont vous pouvez trouver la carte page 189, ce qui est très utile pour suivre le cheminement de nos héros). Et les ennuis commencent pour Théodose ! De traités en traîtrises, de manigances en machinations, nous voilà embarqué dans les méandres d'un coup d'État à la fois surprenamment bien imaginé et drôlement satirique. 
« La meilleure main, c'est celle avec laquelle tu t'aides seul. C'est valable aussi dans un sens cochon, ajouta le Silure protecteur en ricanant. »
Razvan Radulescu nous propose en effet une satire finement montée sur le thème du pouvoir et ce, à travers un univers totalement délirant. Ici, le moderne se mélange à une royauté plus moyen-âgeuse, des histoires d'inventions loufoques s'imbriquent dans des plans d'attaques minutieusement élaborés, l'apparition de l'avion ou de la montgolfière est surprenante quand l'électricité est une chose tout à fait banale, des soldats se battent à coup de sabres ou d’arbalètes quand des offrandes de grille-pains ou de lave-linges à des monstres semblent tout à fait normales... Et que dire des habitants du royaume ! Humains, animaux, insectes, fantômes ou créatures mythologiques, il y a de quoi faire avec la pléthore de personnages qui prennent vie dans les pages du roman. Bref, vous l'aurez compris, l'univers de l'auteur est riche en imaginaire et en absurde, pour notre plus grand plaisir. 
« - Tu as excédé plusieurs fois les bornes de ma patience. J'ai désiré, à quelque deux reprises, te boulotter avec une sauce tomate. Ne ris pas, tu sais que je peux le faire. »
Et tout autant que les idées de Razvan Radulescu, son style d'écriture est également remarquable. Il manie avec habileté les genres (de la simple narration en passant par l'épistolaire ou l'art du discours) tout en mélangeant les styles (de l'enfantin au caustique ou au poétique). Jusqu'à faire souvent des petites apartés sous forme de notes de bas de page adressées aux lecteurs pour expliquer ses déboires avec son éditeur (et la censure de certains passages trop osés) ou bien en passant par les personnages du roman eux-mêmes qui se mettent à remettre en question la façon dont l'auteur a écrit leur histoire ("Si ce roman était mieux écrit, il se passerait ça, ça et ça...") et c'est extrêmement drôles. Son écriture reste pourtant très simple et, agrémentée la plupart du temps d'un ton pince-sans-rire, se lit avec plaisir. Mais elle est aussi très imagée. Chaque page se mouvant en véritable scène dans mon esprit, j'ai pris beaucoup de plaisir à imaginer chaque péripéties et à voir se dérouler l'histoire dans ma tête, comme une sorte de comédie un poil burlesque, très drôle à voir sur écran.
« Note : En pleine contradiction avec les propos d'Otto, l'éditeur a censuré le passage qui contenait la description sommaire de l'éviscérateur bucco-ano-vacuumatique, et l'a fait sans m'en avertir. Le scandale qui s'est ensuivi ne mérite l'attention de personne, n'étant que le désagréable préambule à des compromissions. Ainsi, l'éditeur m'a fait part de sa stupeur, à propos du neuvième chapitre, plein, à son avis, d'horreurs, de cruautés intolérables, voire pornographiques, incompatibles avec un livre qui s'adresse à des petits ("à des petits" est l'expression favorite de mon éditeur, chaque fois qu'il s'agit des lecteurs potentiels de ce livre). »
Ce roman fut une excellente surprise à laquelle je ne m'attendais pas du tout. Adorant l'humour lorsqu'il est finement maîtrisé et - plus que ça même - le cocasse, j'ai été bluffée par l'imagination de l'auteur et sa facilité à nous faire pénétrer dans son univers, pour, finalement, s'en moquer. Théodose le Petit est un mélange de Jean Teulé et de Douglas Adams saupoudré de conte et merveilleux à la sauce roumaine dont je suis ressortie conquise. Merci aux Éditions Zulma et à Babelio pour cette découverte !




jeudi 2 juin 2016

[Film] Un homme à la hauteur de Laurent Tirard

France - 1h38
Année : 2016
Sortie en France le 4 Mai 2016
Avec : Virginie Efira, Jean Dujardin, Cédric Kahn

Diane, une avocate, fraîchement célibataire, reçoit un appel d'Alexandre, un architecte charmant qu'elle n'avait jamais rencontré, et qui va l'aider à retrouver son téléphone égaré. Lorsqu'ils se rencontrent, le rendez-vous prend un tour inattendu.
(Source : Allociné)

13/20

Les deux acteurs en tête d'affiche avaient de quoi séduire... surtout dans une comédie romantique ! Pourtant, ce film a eu sur moi l'effet d'un pétard mouillé, j'en suis ressortie très déçue, à peine amusée et encore moins touchée.

Je connais peu Laurent Tirard - ou alors, surtout pour des films qui ne m'ont pas réellement plus (Le Petit Nicolas) - pourtant, récemment, je me suis décidée à regarder Molière (plus pour Romain Duris que le réalisateur) et finalement j'ai beaucoup aimé ! La promesse d'un nouveau film du réalisateur avec deux chouettes acteurs comme Jean Dujardin et Virginie Efira me plaisait donc bien, surtout avec un synopsis si cocasse.


Mais j'ai bien vite réalisé que ce que je trouvais amusant dans le résumé du film, m'a semblé en réalité complètement grotesque sur écran. J'ai eu beaucoup de mal à trouver subtiles les effets qui rendent Jean Dujardin petit. On voit clairement lorsqu'il y a une doublure ou lorsqu'on s'est contenté de ne filmer l'acteur qu'à partir des épaules. Ça donne une impression très étrange, comme si on passait le film à voir l'acteur à travers une loupe ou une longue vue à l'envers. Du coup, lorsque le grotesque prend le dessus, dans une situation qui ne se veut absolument pas grotesque, soit on est ennuyé, soit on est gêné. Pour ma part, ce fut un peu des deux : l'aspect romance de l'histoire ne m'a donc pas du tout touché.


Reste la comédie. Alors, oui, on rigole de temps en temps (bien qu'on rigole certainement moins que les dames qui, derrière  nous dans la salle, ont passé la séance à faire des commentaires amusés et à rire à gorge déployée, à se demander si on voyait le même film), mais le film en lui-même  n'est pas drôle. Les blagues sur les gens de petites tailles sont clairement assumées, mais totalement déjà vu. Ça n'innove pas, on sourit pour la forme, on rigole devant deux, trois scènes si absurdes qu'elles ne peuvent qu'arracher un rire (le personnage de Coralie la secrétaire, joué par Stéphanie Papanian, est tellement exubérant et déluré qu'il est difficile de ne pas la trouver amusante), mais ça n'est pas allé plus loin en ce qui me concerne. Même le comique de répétition devient lourd au bout d'un moment (les scènes du chien, vraiment ?) alors que c'est un procédé que j'aime beaucoup.

Bref, vous l'aurez compris, malgré deux acteurs que j'apprécie et un synopsis qui me faisait envie, le film ne m'a pas du tout convaincue. Il a un bon fond, mais ça manquait de subtilité pour parvenir à me transporter dans cette étrange romance peu commune.


mercredi 1 juin 2016

[Livre] Survivre de Vicki Petterson

Sonatine - Avril 2016
352 pages
Date de parution originale : 7 juillet 2015
Titre VO : Swerve

Au cœur de l’été, Kristine Rush et son fiancé, Daniel, quittent Los Angeles pour passer un week-end en amoureux, près du lac Arrowhead. En traversant la fournaise du désert de Mojave, ils s’arrêtent sur une aire de repos déserte. Dans les toilettes, Kristine se fait agresser par un inconnu qui la laisse inconsciente. Lorsqu’elle revient à elle, la voiture est toujours là, mais Daniel a disparu. Que faire ?
(Source : Sonatine)

16/20

Clair, net et précis : le titre de ce premier thriller de Vicki Petterson est incisif, à l'égal de son intrigue. Ne vous attendez à rien d'édulcoré ou de gentillet, l'histoire de Kristine est sombre et cruelle... Attention, la course contre la montre débute !

Partie pour une longue traversée du désert de Mojave aux côtés de Daniel, son nouveau fiancé, dans le but de rejoindre la maison familiale de celui-ci pour la fête du 4 juillet, Kristine est loin d'imaginer ce qui l'attend. Au détour de la première aire de repos déserte où ils décident de faire un arrêt, tout dérape. Agressée dans les toilettes par un homme dont elle ne parvient pas à voir le visage, elle découvre à son retour à la voiture que son fiancé a disparu. Guidée par un simple téléphone et les consignes d'un inconnu tordu aux sombres desseins, elle n'a que 24 heures pour espérer revoir son fiancé en vie. Que le jeu commence...
« Personne n’existe en vase clos. Tout le monde a au moins un lien vital avec la planète, que ce soit par le sang ou par l’amour. Lui, c’est par le sang. Par chaque personne qu’il tue. »
Le thriller n'offre que peu de répit au lecteur, on se retrouve embarqué aux côtés de Kristine pour cette course contre la montre effrénée sous forme de chasse au trésor macabre. Le roman possède une intrigue efficace, sans temps morts avec une histoire qui rentre directement dans le vif du sujet au bout de quelques pages et qui tient en haleine jusqu'à la fin. Il faut dire que le jeu malsain et cruel dans lequel Kristine se fait entraîner est aussi captivant qu'effrayant. A chaque nouvel indice placé sur sa route, on redoute le nouvel accès de violence morbide à laquelle elle va se retrouver confronter.
« Une femme sait quand elle est traquée, après tout… surtout si elle l’a déjà été. »
Pourtant, il en faut beaucoup plus pour faire perdre pieds à notre protagoniste. Kristine est une femme forte, déterminée, qui en a déjà vu de toutes les couleurs. Et surtout, Kristine est une femme au passé ténébreux... au sens propre comme au figuré. On n'en sait d'abord que très peu sur son passé, sur les zones d'ombres qui semblent le parsemer et qu'elle se tue à garder enfouies dans un coin. Le personnage distille les informations sur son enfance au fur et à mesure que son périple dans le désert avance, au fur et à mesure que ses barrières tombent et que la nature qu'elle tente de dissimuler refait surface. On comprend peu à peu d'où vient cet acharnement de Kristine à "ne pas nuire", ce leitmotiv qu'elle se répète en boucle durant toute une partie du roman, comme une bouée de sauvetage pour ne pas sombrer dans les ténèbres (à nouveau). J'ai beaucoup aimé cet aspect plus psychologique du roman qui contrebalance avec le côté très brut et sans concession de la course contre la montre.
« C’est un autre problème avec les ténèbres : on peut plaquer dessus tout ce que l’imagination peut concevoir ; et quand le jour laisse place à la nuit ? Mon imagination ne connaît pas de limites. »
Avec son style fluide et très imagé (je vous laisse imaginer les descriptions de certaines mises en scène faites par le tordu qui persécute Kristine), on se plonge sans peine dans ce thriller haletant et prenant pour n'en décrocher qu'à la toute fin. Un coup d'essai réussi pour l'auteure habituellement plus familière das sagas fantastiques.