samedi 5 septembre 2015

[Film] Much Loved de Nabil Ayouch

Marocain, Français - 1h44
Sortie en France le 16 septembre 2015
Avec : Loubna Abidar, Halima Karaouane, Asmaa Lazrak

Marrakech aujourd'hui. Noha, Randa, Soukaina, Hlima et les autres vivent d’amours tarifés. Ce sont des putes, des objets de désir. Les chairs se montrent, les corps s’exhibent et s’excitent, l’argent circule aux rythmes des plaisirs et des humiliations subies. Mais joyeuses et complices, dignes et émancipées dans leur royaume de femmes, elles surmontent la violence d’une société marocaine qui les utilise tout en les condamnant.

16/20


Je connaissais déjà Nabil Ayouch à travers son premier film, Ali Zaoua, prince de la rue, que j'avais eu la chance de voir au cinéma avec mon collège et qui avait été un énorme coup de coeur et aussi, du haut des mes douze ans, un de mes premiers  films étrangers en VO. On ressentait déjà la volonté du réalisateur de dénoncer une société injuste, dénigrant les plus démunis. C'est tout à fait ce que l'on retrouve dans Much Loved, à travers, cette fois, le sujet de la prostitution au Maroc.



Nabil Ayouch prend le parti de montrer cette prostitution connue de tous, mais qui reste un sujet tabou dans le pays, avec une véracité percutante. Le scénario, écrit en présence et grâce aux témoignages de quatre jeunes femmes, nous plonge en plein dans le calvaire vaincue au quotidien par des milliers de jeunes filles marocaines. Rien n'a été modifié, tronqué, voire même édulcoré. Le film est fort car il ne déforme rien et colle habilement à une réalité qu'il confronte au regard du spectateur, occidental ou oriental d'ailleurs. Car si le film s'adresse à un public marocain au premier abord, il est également frappant de le regarder d'un autre point de vue. La prostitution des jeunes femmes étant, après tout, un sujet mondial qui ne se borne pas aux frontières d'un pays.

Le propos du film se base donc sur le quotidien de ces jeunes femmes à qui ont promet un avenir lumineux et qui se retrouvent piégées dans le labyrinthe sinueux de la prostitution, parfois même alors qu'elles rentrent à peine dans l'adolescence. On sent la difficulté de se sortir d'un tel système, la violence à laquelle elles courent le risque d'être confrontées en permanence, le rejet des gens face à leur mode de vie. Il y a d'ailleurs une certaine hypocrisie dans cette société qui accepte que le monde de la prostitution existe, mais qui cherche absolument à la taire. Ainsi, le film montre les dessous de cet univers sans chercher à en cacher aucun aspect. De la pornographie, à la violence des gestes, des paroles en passant par la dépravation à laquelle ces jeunes femmes se retrouvent obligée, le film vise en plein dans le mille pour heurter les gens... et pour déranger ! On comprend sans mal pourquoi le film a tant fait polémique, notamment au Maroc où il est interdit de diffusion et où les actrices ont reçu de nombreuses menaces de mort...

Les actrices (et acteurs) du film ne déméritent pas en effet, ils sont très bons dans leur rôle, se glissent à la perfection dans les personnages de ces jeunes femmes (et de ces jeunes hommes homosexuels également, puisque le film aborde aussi cet aspect) en quête d'un avenir plus coloré. L'actrice principale, Loubna Abidar m'a beaucoup impressionnée. Dans le film, mais également lors de la projection à laquelle elle assistait, dans son discours et dans les répercussions que son rôle a eu sur sa vie. Elle mérite amplement le prix d'interprétation féminine du FFA.

Avec un véritable sujet tabou qui mérite d'être abordé, Much Loved n'est pas un documentaire mais une fiction, qui ne pouvait cependant que faire du bruit. J'ai bien cru que le film finirait par me passer sous le nez ; grâce à mon manque d'organisation, j'ai failli le louper plusieurs fois... mais j'ai finalement réussi à me glisser in extremis à la dernière projection lors du festival ! Gagnant du Valois d'or, il aurait été dommage de le rater, Much Loved est sans doute le film qui, durant cette semaine du FFA, m'aura le plus marqué.




mardi 1 septembre 2015

[Livre] Loup, y es-tu ? d'Henri Courtade

Gallimard - Folio SF, 2013
287 pages
Date de parution originale : 1 septembre 2010

Et si les êtres maléfiques des contes de notre enfance existaient réellement ? Sans doute ces créatures vampiriseraient-elles notre planète. Elles seraient de tous les génocides, manipuleraient les plus grands dictateurs. Bref, tapies dans l’ombre d’Hitler ou sous le feu des projecteurs des plateaux télé, elles auraient entre leurs mains expertes le devenir de l’humanité. Sinistre tableau ! Si de tels êtres vivaient, il serait à souhaiter que leur alter ego bienfaisant existe également. Qu’en ce début du XXIe siècle, ces personnages merveilleux s’éveillent et décident de se battre. Et alors, qui sait de quel côté la balance pencherait…

13/20

Le thème de "contes revisités" m'incitait fortement à penser que j'aurais affaire à un recueil de nouvelles, je fus donc très surprise en découvrant que Loup, y es-tu ? est en réalité un roman qui se base sur tout à un tas de vieux contes et vieilles légendes remodelés à la sauce de l'auteur, et surtout, remis un peu au goût du XXIe siècle.

Si ce concept d'aller pêcher dans les contes de notre enfance pour nous offrir une histoire moderne, agrémenté de plusieurs chouettes idées, explications ou modifications quant aux histoires de bases, m'a vraiment plu, j'avoue, au terme de ma lecture, être restée sur ma faim. J'ai beaucoup plus apprécié le fond du roman que sa forme. 
« Il existe dans ce monde des veilleurs qui te rappelleront ton passé, si cela s'avère nécessaire. Ils sont rares, fragiles, et précieux, et leur force réside dans le simple fait qu'ils ne cherchent pas la gloire. Ainsi, ils n'attirent pas l'attention des puissants.Si ces êtres venaient à être éliminés, alors tout espoir serait vraiment perdu. »
Je trouve que l'histoire s'éparpille très facilement vers des détails ou des intrigues parallèles qui font perdre son rythme au récit. Alors qu'on s'attend à suivre Albe et Virginia, qui étaient pour moi, au début, les vraies protagonistes du livre, j'ai finalement eu l'impression que leur histoire n'était que survolée. J'aurais aimé que l'intrigue ne tourne qu'autour d'elles, et que toutes les autres parties de l'histoires (et tous les autres personnages, car il y en a aussi beaucoup) ne soient que des branches de cette intrigue principale, au lieu de venir l'interrompre sans cesse. En conséquent, j'ai parfois eu du mal à rester plonger dans ma lecture. De la même façon, je n'ai pas eu le temps de m'attacher aux personnages (peut-être trop nombreux).

La fin m'a également un peu déçue, j'ai trouvé le dénouement trop simple, sans cette confrontation explosive que je souhaitais entre nos deux héroïnes et la vile Marilyn, et qui aurait clos le roman de façon plus mouvementée. Je pense que j'attendais beaucoup plus d'action en définitive. Le roman, à travers Van Sydow, parle d'Histoire, de cruauté, d'injustice. Dans la lignée des contes et de leur morale, il y avait de quoi faire pour créer une vraie dynamique autour de la confrontation entre le Bien et le Mal. C'est souvent fait, mais par petites touches qui reflètent l'esprit critique de l'auteur sur l'Histoire, la condition humaine ou la société d'aujourd'hui et d'hier. J'aurais aimé que ça soit parfois fait de façon plus explicite.
« Peut-être était-il là, le véritable maléfice, songea-t-elle. Annihiler jusqu'à la moindre conscience de sa monstruosité et faire accepter cet état de fait à l'opinion. Albe se dit qu'il faudrait encore et toujours beaucoup de Cassandre de par la planète ainsi que des veilleurs, prompts à dire non. »
Bon, à côté de ça, je ne boude pas mon plaisir vis à vis de la partie "contes revisités" du roman. J'ai beaucoup aimé les petites histoires inventées par l'auteur sur le devenir des héroïnes, leur passé ou leur personnalité respective. J'ai trouvé ça très astucieux et ça m'a souvent fait sourire.

Loup, y es-tu ? est un roman qui plaira sans nul doute aux amateurs de contes et légendes. S'il est dommage que le rythme du récit souffre d'une intrigue un peu trop éparpillée, avec son écriture simple et son style agréable, la lecture reste divertissante et plaisante à découvrir.



vendredi 28 août 2015

[Film] L'Odeur de la mandarine de Gilles Legrand

Français - 1h50
Sortie en France le 30 septembre 2015
Avec : Olivier Gourmet, Georgia Scalliet, Dimitri Storoge

Été 1918. La guerre fait rage pour quelques mois encore, mais pour Charles et Angèle, elle est déjà finie. Lui, officier de cavalerie y a laissé une jambe. Elle, son infirmière à domicile, vient de perdre au front son grand amour, le père de sa petite fille. Unis par le besoin de se reconstruire, ils nouent une complicité joyeuse qui les ramène à la vie. Sur l'insistance de Charles, Angèle accepte un mariage de raison. Il leur faudra entrer en guerre, contre eux-mêmes et contre l'autre avant d'accepter l'évidence de la passion qui les lie malgré eux…

16/20

Hormis les films en compétition, le festival du film d'Angoulême est également l'occasion d'assister à un certains nombres d'avant-premières, ce qui n'est pas pour me déplaire, surtout lorsque cela concerne des films qui me faisaient très envie comme l'Odeur de la mandarine. Je dois avouer qu'en général, je fuis ce genre d’événement comme la peste, détestant le monde et le foutoir que ça génère (et de ce côté là, le petit CGR d'Angoulême n'est pas en reste, je ne sais pas comment ils gèrent leur organisation, mais ce n'est pas encore tout à fait ça). Mais cette fois, dans le cadre du festival et l'occasion se présentant.... Me voilà partie !


L'Odeur de la mandarine est une romance. Une romance qui aurait pu avoir tout ce qu'il y a de plus classique, mais qui se révèle n'avoir rien d'ordinaire. Le film nous offre le portrait d'un homme et d'une femme brisés par la guerre, chacun à leur façon. Physiquement ou moralement, Charles et Angèle sont deux amputés, l'un a perdu une jambe, l'autre l'homme qu'elle aimait. On assiste peu à peu à la rencontre de ses deux personnages, à la naissance des liens très forts qui se tissent entre eux, mais également à l'installation progressive d'une certaine ambiguïté. On ressent la passion qui unie les personnages, sans parvenir vraiment à éclore totalement. Leur amour commun pour les chevaux (Charles était dans la cavalerie, Angèle a grandi dans le ranch de ses parents) apporte souvent une connivence encore plus particulière entre les personnages. D'ailleurs, j'ai beaucoup aimé la façon dont les chevaux sont mis en scène, il y a un aspect très fusionnel entre ceux-ci et les humains qui rend certaines scènes de chevauchées vraiment belles.


À cette jolie romance un peu bancale s'ajoute un ton taquin et pince sans rire que j'ai beaucoup apprécié. On rigole souvent devant les échanges et les situations entre les personnages. Pas parce qu'ils sont risibles, mais pour la fraîcheur, la vie, la spontanéité qui se dégagent de leur complicité. Angèle et Charles sont deux personnages très respectables, mais celle-ci n'a rien d'une mijaurée et lui n'est pas en reste non plus. Sans jamais tomber dans l'incorrect ou le trop plein, le juste mélange entre joliesse et taquinerie se fait à la perfection et permet de dresser le portrait d'un couple (et surtout d'une femme) touchant et qui ne s'encombre pas des usages.

Pour interpréter ces deux personnages plein de complexité, on retrouve en tête d'affiche Olivier Gourmet, acteur aguerri dont la taille de filmographie parle pour lui, et Georgia Scalliet, dans son premier grand rôle au cinéma. Mais qu'on se le dise, la comédienne de la Comédie Française a de très beaux jours devant elle. Elle porte le film sur ses épaules et est tout simplement exceptionnelle. J'ai eu un réel coup de cœur pour cette actrice plein de spontanéité et de justesse.


Outre la très belle écriture de l'histoire, le cadre du film joue beaucoup sur le ressenti. Perdus au fond de la campagne dans une grande propriété faite de lac et forêts, les personnages évoluent dans un monde qui semble très loin des affres de la guerre, mais qui n'en est pourtant jamais loin, comme le rappellent les explosions derrière les collines, la nuit. 

Une fois de plus, je dois dire que je suis allée voir le film sans arrière-pensée. J'avais vaguement lu le synopsis, juste assez pour situer l'histoire lors de la Première Guerre Mondiale, rapidement jeté un œil au casting, et c'est surtout le nom de Gilles Legrand en tant que réalisateur (Malabar Princess est sans doute l'un des films que j'ai le plus vu étant petite) et le très joli titre du film qui avaient éveillé mon attention. Je pense que je vais continuer à aller voir des films en ne sachant pas à quoi m'attendre, la surprise n'en est toujours que plus belle.



mardi 25 août 2015

[Film] La Vie en grand de Mathieu Vadepied

Français - 1h33
Sortie en France le 16 septembre 2015
Avec : Balamine Guirassy, Ali Bidanessy, Guillaume Gouix

Adama est un adolescent de 14 ans. Il vit avec sa mère dans un petit deux-pièces en banlieue parisienne. Il est en échec scolaire même si c’est un élève prometteur. Avec Mamadou, plus jeune que lui, ils vont inverser le cours de leurs vies.

15/20

Même si je continue à aller au cinéma de temps en temps, j'ai un peu levé le pied sur mes visionnages dernièrement. Cependant, cette semaine, je vois mal comment y échapper ! Le Festival du Film francophone d'Angoulême débutait aujourd'hui et durera jusqu'au dimanche 30. Pour une fois qu'il se passe quelque chose d'intéressant dans ma petite ville, j'en profite.

Si j'ai débuté cette semaine par La vie en grand, c'est surtout pour accompagner une amie a qui il faisait très envie. Le film est en compétition au festival, mais il ne me disait pas grand chose, j'étais tombée sur son affiche deux trois fois sur internet, sans m'y arrêter. Finalement, cette séance ne fait que confirmer que c'est lorsque je n'attends réellement rien d'un film que j'en ressors le plus satisfaite. La vie en grand est un très chouette film, je l'ai vraiment apprécié !

Adama et Mamadou sont deux jeunes des banlieues parisiennes. Adama est un garçon de quatorze ans intelligent mais que le collège ne passionne guère et qui a du mal à se faire à la récente séparation de ses parents. Il se retrouve à vivre dans un tout petit appartement avec sa mère, joignant difficilement les deux bouts. Alors bien sûr, le jour où la possibilité de se faire de l'argent facilement pointe le bout de son nez, les deux garçons n'hésitent pas et se lancent...




Si en apparence le sujet semble plutôt classique, vu et revu, j'ai beaucoup aimé la façon dont il était abordé. Balamine Guirassy et Ali Bidanessy, les deux jeunes acteurs au cœur du film, sont à la fois très drôles et touchants. Je les ai trouvé très justes dans leur rôle. On suit l'histoire avec amusement, on ne peut s'empêcher de rire bien souvent devant la spontanéité des deux enfants et leur naïveté à toute épreuve qui éclatent au grand jour à coups de répliques percutantes et franchement bien trouvées. 
Pourtant, tout n'est pas toujours drôle mais la gravité des problèmes soulevés garde une facette d'innocence qui fait de la Vie en grand un film léger, loin du drame dans lequel le réalisateur aurait pu tomber et, finalement, peu moralisateur comme il aurait été si facile de le faire. On évite également les clichés trop flagrants et, pour une fois, j'ai beaucoup aimé la place donnée à l'école, notamment à travers le prof de sport d'Adama, interprété par Guillaume Gouix, dont le rôle, bien que discret, est décisif dans l'avenir du garçon.

La vie en grand est une bonne surprise, un film qui donne le sourire, nous fait rire quand on s'y attend le moins (ou à peine !) et a le mérité de se délester de toutes les facilités qui auraient pu le rendre, du coup, bien moins intéressant. Si la plus grande partie des films que j'ai l'intention de voir au court du festival sont du même acabit, la semaine promet d'être sympathique !