dimanche 12 avril 2015

[Livre] Les Oranges ne sont pas les seuls fruits de Jeanette Winterson

Points - Signatures, 2013
250 pages

Date de parution originale : 1985
Titre Vo : Oranges are not the only fruit


Jeanette n'a pas le droit : d'aller à l'école, de lire, d'avoir des amis et de penser à autre chose qu'à Dieu. Non, Jeanette n'a pas le droit, sa mère ne veut pas. Heureusement il y a Elsie, vieille femme fantasque et pleine de fantaisie, avec qui elle construit des tunnels pour les souris. Et puis les contes et les fables que Jeanette se raconte à mi-voix. Un jour surgit Mélanie, l'amie, la confidente, si drôle, si belle, si intelligente. L'amour peut-il avoir ce visage-là ?

13/20

Un roman autobiographique ? Non, pas tout à fait, pourtant, on l'aurait presque cru. Les oranges ne sont pas les seuls fruits reprend les souvenirs d'enfance de Jeanette Winterson et nous les propose au sein d'un récit réaménagé, retravaillé. C'est clairement le titre qui a attiré mon attention, j'étais loin d'imaginer tomber sur une histoire basée sur des faits réels, mélangeant religion et homosexualité, qui plus est.
« Il y a des femmes dans le monde. Il y a des hommes dans le monde. Et il y a des bêtes. Que faire si l’on épouse une bête ? »
Les  missionnaires chrétiens sont au cœur de ce roman. Élevée par une mère très pieuse au sein d'une communauté religieuse très active, Jeanette est destinée à devenir une missionnaire. On découvre leurs rôles de prêcheurs, leurs activités. Pour ceux qui l'ignorent (comme c'était mon cas avant ma lecture) le but des missionnaires est de diffuser le message du Christ, de faire des prédications pour toucher le plus de personnes possible ou alors d'organiser des œuvres caritatives ou des activités. L'objectif étant d'amener les gens à se convertir.
« C’était peut-être la neige, ou la nourriture, ou l’impossibilité de ma vie qui m’a donné envie d’aller me coucher avec l’espoir de me réveiller et de retrouver le passé, intact. J’avais l’impression d’avoir décrit un grand cercle et de m’être rencontrée à nouveau à mon point de départ. »
Chez Jeanette, toute passion est un péché (c'est sa mère qui le lui a dit). L'attachement ne se montre pas, qu'il soit amoureux, maritale ou filiale. Les rapports entre Jeannette et sa mère sont très distants, quant à la relation de couple de la mère et du père, elle est inexistante. D'ailleurs, les hommes sont très peu présents dans le roman. C'est dans ce milieu religieux où les femmes sont omniprésentes que Jeannette grandit. Les œuvres sont gérées par les femmes, les hommes sont très peu actifs. 

Le style est agréable lorsque l'auteur évoque sa jeunesse, parfois sur le ton de l'humour, d'autre fois plus sérieux. Il se dégage une certaine curiosité face à cette famille plutôt atypique. Le père effacé, dont on a l'impression qu'il n'est là que pour faire figure de patriarche. La mère forte et très pieuse ayant adopté Jeanette car elle serait l'Élue.
« Je savais que les démons se servent de nos points faibles pour s'emparer de nous. Si j'avais un démon, mon point faible serait Melanie, mais elle était belle et bonne et m'aimait. L'amour peut-il réellement appartenir au démon ? »
En revanche, les histoires et mythes religieux ou même médiévaux insérés dans le récit ne m'ont pas toujours semblé pertinents. Sous ses airs de fable morale, on a parfois du mal à s'y retrouver.



Cependant, j'ai beaucoup apprécié le point de vue du roman. Le regard intérieur de Jeanette qui garde sa foi chrétienne quoiqu'il arrive, analyse tout avec sa curiosité d'enfant, se pose des questions. L'évolution de sa pensée, de son orientation sexuelle également. Elle accepte à la fois Dieu et son attirance pour les femmes, sans jamais voir en quoi cela pourrait être une mauvaise chose. Elle se heurte à sa mère, à son église pour qui le pêché est de haut niveau. Elle sera d'ailleurs blâmée, rejetée, exorcisée même pour l'amour qu'elle porte à Mélanie, jeune fille rencontrée à l'église.
Jeanette ne comprend pas forcément sa mère, ni en quoi son amour est un péché et le regard posé sur ses croyances et la prétendue incompatibilité avec ce qu'elle ressent est intéressant. 

Il est certain que le roman a de l'intérêt, les deux grands sujets qu'il aborde (religion et homosexualité) et confronte en font un récit initiatique pertinent que le ton souvent mordant de l'héroïne rend plaisant à découvrir. Malgré tout, le livre m'a semblé très court et j'aurais aimé que certains aspects soient plus approfondis.  Intéressant donc, mais pas forcément mémorable en ce qui me concerne. 




Il existe une adaptation du roman en mini-série de trois épisodes par un certain Beeban Kidron datant de 1990. Cette lecture me permet de valider la consigne n°16 du Challenge Lecture : Lire un livre choisi au hasard juste pour son titre.




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