jeudi 16 avril 2015

[Livre] La Dame dans l'auto avec des lunettes et un fusil de Sébastien Japrisot

Gallimard - Folio Policier, 1998
312 pages
Date de parution originale : 1966

La dame dans l'auto : la plus blonde, la plus belle, la plus myope, la plus sentimentale, la plus menteuse, la plus vraie, la plus déroutante, la plus obstinée, la plus inquiétante des héroïnes...


16/20

J'ai déniché ce livre dans une librairie d'occasion, en fouillant un peu au hasard. Je n'avais jamais entendu parler de celui-ci ou de son auteur, mais j'ai tout de suite été irrémédiablement intriguée par son titre. Ces derniers temps, je choisis beaucoup mes lectures en fonction de leur titre et si les résultats sont parfois un peu décevant, on peut également tomber sur d'excellentes surprises. Ce roman en est une !

Danny Longo, jeune secrétaire dans une société de publicité, est chargée par son patron de l'amener lui et son épouse à l'aéroport. Ils confient leur voiture de collection Thunderbird à Danny et la charge, ensuite, de ramener celle-ci dans le pavillon du couple. Sur un coup de tête, la jeune femme décide d'emprunter la voiture durant l'absence de son boss, c'est à dire tout le week-end. La voilà donc partie dans un trip improvisé sur les routes de France. Direction le sud !
« Je suis née pour le mensonge. Il fallait bien qu’un jour j’en arrive à me prendre moi-même au plus abominable. »
Le voyage de Danny commence plutôt tranquillement. Les kilomètres et paysages défilent sous un soleil implacable et rien ne semble pouvoir entacher le voyage. Jusqu'à son arrêt dans une station service prêt de Fontainebleau. Dans les toilettes, un inconnu lui écrase sauvagement la main gauche avant de s'enfuir. Pourquoi cette agression gratuite ? Que vient-il réellement de se passer ? À partir de cet instant, rien ne va plus, l'escapade de rêve se transforme peu à peu en véritable cauchemar.
Nous voilà donc embarquer aux côtés de Danny dans un grand roman à la construction et au suspense délectables. 
« La douleur n'est pas noir, n'est pas rouge. C'est un puits de lumière aveuglante qui n'existe que dans votre tête. Et vous tombez quand même dedans. »
Sébastien Japrisot met en scène avec beaucoup de subtilité une héroïne ambiguë qu'il est fascinant de suivre. Naïve mais brillante, paumée et lucide à la fois, l'auteur joue sur les facettes de la personnalité de cette protagoniste à fleur de peau à laquelle on s'attache très vite. L'histoire est du point de vue subjectif de Danny durant une grande partie du roman, et on est partagé entre le sentiment de folie présumée et celui de rationalité acceptée dans laquelle évolue la jeune femme. À l'image de Danny, on ne sait jamais sur quel pied danser. Qui croire ? Que penser ?
« On ne peut pas traîner avec soi, pendant des années, la certitude de sa culpabilité sans finir par s’y complaire, par devenir folle. C’est cela certainement. »
Le roman est doté d'une construction qui m'a beaucoup plue. Découpée en quatre partie (La Dame, L'Auto, Les lunettes et Le fusil), la forme est très chouette, tout à fait en phase avec l'histoire et donne, logiquement, son titre au thriller. En parallèle, l'intrigue est merveilleusement bien ficelée. Au fil du voyage de Danny, les éléments deviennent de plus en plus perturbants, semant le doute dans l'esprit du lecteur qui ne sait plus ce qu'il doit croire. Mensonge ou folie ? On est pris dans cette curieuse mascarade dans laquelle Danny se retrouve embarquée et, inévitablement, les pages s'enchaînent sans que l'on s'en rende compte. 
« Est-ce que ça existe, de faire un pas aussi banal que tous les pas qu’on a faits dans sa vie, et sans se rendre compte, de franchir une frontière de la réalité, de rester soi, vivante et parfaitement éveillée, mais dans le rêve nocturne de mettons sa voisine de dortoir ? Et de continuer à marcher avec la certitude qu’on n’en sortira plus, qu’on est prisonnière d’un monde calqué sur le vrai mais totalement inepte, un monde monstrueux parce qu’il peut s’évanouir à tout instant dans la tête de la copine, et vous avec ? »
Un road trip haletant à travers la France, rempli d'une ribambelle de personnages qui servent tous l'histoire à leur façon et d'une intrigue incroyablement tissée qui se termine sur un retournement de situation réellement inattendu... À tout ça s'ajoute un style simple, fluide et efficace dans lequel on plonge avec plaisir. J'ai adoré me retrouver dans la tête de Danny et suivre le fil de ses pensées au rythme du récit. Il n'y a pas à dire, Sébastien Japrisot m'a vraiment impressionnée. C'est avec plaisir que je lirai un autre de ses romans.




7 commentaires:

  1. Le style de couverture me parle et, si je ne pourrais pas dire les titres, j'en avais lu plusieurs de l'époque sans jamais être déçu. Je trouvais ce côté granuleux de l'image collant parfaitement aux ambiances des intrigues et me trouvaient souvent irrésistiblement attiré par les titres de cette collection pour cette raison.
    J'ai l'impression que c'est la bonne période et la bonne édition pour les polars noirs : ni trop vieillot ni trop excessif comme maintenant, original...

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    1. Je dois avouer être plutôt contente d'être tombée sur cette édition en particulier car, si le titre a joué, il est clair que la couverture aussi :) Une des éditions antérieure (chez Folio, pas chez Folio policier) est toute blanche, verte, avec un dessin très rétro et coloré... dur de prendre le roman pour ce qu'il est avec une telle image ^^' J'aurais sans doute été beaucoup moins attirée pour le coup :p
      La collection Folio policier est une chouette collection de toute façon :) Et puis, ils éditent une partie des romans de Chuck Palahniuk et Thierry Jonquet *sifflote*

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  2. Je ne sais ni avant ni maintenant mais il faut croire qu'ils avaient un bon directeur de collection, à l'époque, tant sur la qualité des textes choisis que sur ce qui allait autour (des titres, que l'éditeur doit pouvoir suggérer ou travailler avec l'auteur aux couvertures dont il a dû donner la ligne directrice...)

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    1. Ah ! Et pis forcément, s'ils ont publié Palahniuk et Jonquet... Vais aller voir qui était ce directeur, tiens...

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    2. Tu me diras si tu trouves, je suis curieuse (et flemmarde) :p

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    3. Warf !!!
      "folio policier", Wipkipedia et pouf, tu as tout :O)

      "La collection Folio Policier est lancée en 1998 (...) Yvond Girard, le directeur de la collection Folio, est tout d'abord le directeur de la collection avant de laisser sa place par manque de temps et de compétence à Lionel Besnier en mars 2003."

      La liste des bouquins :
      http://fr.wikipedia.org/wiki/Folio_policier

      J'ai pas trouvé l'intégrale des couvertures mais les jolis dessous de la collection :
      http://www.polars.org/spip.php?article210

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    4. Ah oui, j'avais oublié Wikipédia, tiens xD Je me voyais déjà devoir aller fouiller dans les méandres d'internet et ça me décourageait d'avance. Enfin bon, mieux que Wikipédia, le vieil ours grognon qui t'amène direct les infos :p Merci en tout cas !

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