jeudi 18 août 2016

[Livre] Quand la nuit devient le jour de Sophie Jomain

Pygmalion - Avril 2016
224 pages
Date de sortie originale : 27 avril 2016


« On m'a demandé un jour de définir ma douleur. Je sais dire ce que je ressens lorsque je m'enfonce une épine dans le pied, décrire l'échauffement d'une brûlure, parler des noeuds dans mon estomac quand j ai trop mangé, de l'élancement lancinant d'une carie, mais je suis incapable d'expliquer ce qui me ronge de l intérieur et qui me fait mal au-delà de toute souffrance que je connais déjà. La dépression. Ma faiblesse. Le combat que je mène contre moi-même est sans fin, et personne n est en mesure de m'aider. Dieu, la science, la médecine, même l'amour des miens a échoué. Ils m'ont perdue. Sans doute depuis le début. J'ai vingt-neuf ans, je m appelle Camille, je suis franco-belge, et je vais mourir dans trois mois. Le 6 avril 2016. Par euthanasie volontaire assistée. »
(Source : Pygmalion)


14/20


Il existe des romans dont on comprend dès les premières pages que la lecture va être soit éprouvante, soit dérangeante. Avec Quand la nuit devient le jour, Sophie Jomain se lance dans un récit très sensible sur un sujet qui l'est tout autant : celui de l'euthanasie.
« Chaque personne devrait avoir le droit de mourir dignement. Quel que soit le mal dont elle souffre, invisible ou pas. »
Et pas n'importe quelle euthanasie ! L'euthanasie légale utilisée en solution à un mal-être et à une dépression incurables. Au premier abord, c'est un cas extrême qui m'a énormément choquée. Je ne savais tout simplement pas qu'il était légal dans certains pays (la Belgique dans l'histoire) de se faire euthanasier dans ce cas de figure. Comprenez bien, Camille est une jeune femme de 29 ans, saine d'esprit et physiquement en pleine santé. La douleur de Camille, celle qui la tue a petit feu et qui rend son existence invivable est psychologique. La jeune femme décide de mettre fin à ses jours à cause de ce mal-être. Et il existe donc des pays dans lesquels, si une armée de docteurs reconnait que ce mal-être est incurable, on vous donne le droit d'en finir à l'aide d'un processus médicalement assisté.
« Les maladies incurables sont généralement visibles à la longue, mais la mienne est sournoise. Elle se cache et donne l'illusion de ne pas exister. Elle est pourtant bien là, chaque jour, chaque nuit. Elle court dans mes veines comme un poison et insuffle à mes poumons un air irrespirable. »
Passé l'étape de l'interpellation face à cette révélation, on tente peu à peu de comprendre les raisons de Camille. Et la jeune femme nous les explique toutes en détails en début de roman. Elle nous relate sa descente en enfer, l'impossibilité pour elle de guérir et sa décision. Pourtant, et c'est là que Sophie Jomain est très bonne à mon sens, l'histoire prend rarement un tournant mélodramatique. On ne tombe jamais dans le pathos. La situation est triste évidemment, mais toujours abordée avec dignité. Parfois, le récit prend même un aspect presque trop analytique de la situation.
Cette façon d'écrire - que j'ai apprécié - et d'aborder le sujet de l'histoire permet à Sophie Jomain de présenter un roman qui ne penche jamais d'un côté ou l'autre de la balance : il n'est jamais fait l'apologie de l'euthanasie ou, au contraire, celle-ci n'est jamais jugée, condamnée. Dans le roman, il s'agit avant tout de choix, de vécus personnels et de dignité humaine.
« Une femme dotée d'un courage et d'une détermination exceptionnels, répète-t-il, mais cette obstination, Dieu que je l'admire et la hais. »
Quand la nuit devient le jour est un roman sur lequel donner son ressenti n'est pas chose aisée. Il est difficile de rester de marbre face au sujet qu'il aborde, de ne pas se sentir à la fois touché, révolté, de comprendre les choix de la protagoniste ou de les refuser catégoriquement. Il faut faire un très gros effort d'empathie pour réussir à se mettre dans la tête et dans la peau de Camille, pour ne pas condamner sa décision et, d'une certaine façon, l'accepter à défaut de la comprendre. Sophie Jomain réussit le pari de mettre en lumière un sujet très délicat et de le maîtriser pour en faire un roman qui interpelle, marque, reste à l'esprit et surprend même dans les tous derniers chapitres. On ressent dans l'implication de l'auteur derrière chacune de ses phrases que cette histoire lui tenait beaucoup à cœur. 






Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire