samedi 2 mai 2015

[Livre] Les Réponses d'Elizabeth Little

Sonatine, 2015 - 431 pages
Date de parution originale : 2014
Titre Vo : Dear Daughter

Après un procès qui a passionné l’Amérique, la jeune Janie Jenkins est reconnue coupable de l’assassinat de sa mère, la très fortunée et très mystérieuse Marion Dressner. Dix ans plus tard, le procès est révisé en appel, la libération de Janie scandalise le pays, convaincu de la culpabilité de la riche héritière.
Janie est-elle coupable ou innocente ? Elle-même n’en a pas la moindre idée. Trop ivre la nuit du meurtre, elle n’a plus aucun souvenir de ses faits et gestes. Ne lui reste en mémoire que les deux derniers mots prononcés par sa mère, deux mots mystérieux qui vont la conduire à aller chercher les réponses à toutes les questions qu’elle se pose dans une petite ville du Middle West.

16/20

Encore un thriller ! J'en lis beaucoup en ce moment et il faut avouer que le nouveau catalogue des éditions Sonatine regorge de curiosités et résumés qui font envie. Parmi les parutions récentes, j'ai jeté mon dévolu sur le premier thriller d'Elizabeth Little : Les Réponses. Et les réponses, on les attend justement de pieds ferme car les questions, elles aussi, sont nombreuses au début du roman...
« C’est déjà assez difficile de clamer votre innocence quand tout le monde est persuadé du contraire. Ça devient carrément impossible quand vous-même n’êtes sûre de rien… »
Janie Jenkins vient de sortir de prison. Incarcérée dix ans plus tôt pour le meurtre de sa mère, célèbre figure médiatique, un problème de falsifications de preuves dans un laboratoire lui offre une libération anticipée. Chaperonnée par son avocat Noah, elle tente de faire profil bas face à la foule vindicative, persuadée de sa culpabilité. Mais pour la jeune femme, il est hors de question de suivre les conseils de Noah, d'aller s'enterrer dans le Wisconsin et de laisser le passé derrière elle. L'occasion est trop belle pour enfin tenter de faire la lumière sur ce qu'il est arrivé lors la fameuse nuit du meurtre. Affublée d'une franche détermination et d'une nouvelle identité, Jane se lance sur les traces du passé de sa mère.
« Quand je repense à la nuit où ma mère est morte, c’est comme essayer de triturer une vieille antenne télé pour capter un lointain signal. De temps en temps, un vague quelque chose apparaît à l’écran, mais le plus souvent j’arrive juste à avoir le grésillement et un mur de neige impénétrable. Parfois il n’y a même pas d’image. Parfois il n’y a même pas de télé. »
Enfant de riche aux airs hautains, avec sa personnalité très affirmée et son attitude détestablement venimeuse, Jane est le type de l'héroïne qu'on voudrait détester. Mais Elizabeth Little réussit avec brio à nuancer son personnage et la jeune femme nous laisse vite entrevoir ses failles.  J'aime beaucoup ce genre d'héroïne atypique, à la limite de l'anti-héros. La personnalité est contradictoire avec son air tranchant, son cynisme, son égocentrisme, et pourtant, on a du mal à la détester grâce aux touches de vulnérabilité que l'auteur distille. On en vient même à la trouver attachante. Il faut dire que sous ses airs de gosses de riches capricieuses, se cache une femme intelligente et profondément blessée.
Emprisonnée depuis l'âge de 16 ans, Jane doit se reconstruire en tant que femme, en tant que personne, retrouver prise dans un monde qu'elle ne connaît pas forcément, habituée depuis des années à son milieu carcéral fermé et sécuritaire. C'est dans ces moments de vulnérabilité où elle baisse sa garde et où on la retrouve en prise avec ses incertitudes et ses démons qu'on s'attache à elle.



Le côté thriller est amené tout en discrétion et se retrouve surtout dans la fin ou dans la menace constante que la couverture de Jane puisse être découverte. Le reste du roman prend essentiellement l'aspect d'une quête identitaire et de vérité. Une quête à double tranchant : Jane a besoin de savoir si elle est innocente, mais elle doit également découvrir le passé de sa mère et ainsi le sien. Et dans la famille de Jane, les secrets et les cadavres dans les placards sont nombreux.
« Il y a ceux pour qui l’imprudence est un état d’abandon. Ou d’étourderie. Ou une décision consciente d’ignorer les répercussions et les éventualités. Et je suis sûre que c’est libérateur pour eux, comme de tourner très vite sur soi-même et de se laisser tomber par terre. Mais pas pour moi. Mon imprudence était une démonstration de contrôle. Je tournais sur moi-même pour prouver que je pouvais marcher droit juste après. »
L'ambiance un peu vieillotte du fin fond du Dakota du Sud m'a beaucoup plu. J'aime ce genre de roman plein de secrets recouverts de poussières et de personnages craquelés par la vie et le temps. Avec son passé minier, ses villes jumelles dont l'une est abandonnée et sa panoplie de personnages haut en couleurs qui servent tous l'intrigue à leur manière (du couple d'amies lesbiennes à la jeune adolescente piquante en passant par le flic désabusé), le roman a un vrai charme désuet propre au Middle West américain. 
Pourtant, le roman est bien dans l'air du temps. Il possède une construction très originale  et moderne avec des insertions de coupures de journaux, de posts sur des blogs, d'articles de Wikipédia, de Sms, de retranscriptions d'interview ou d'interrogatoires qui permettent de nous ouvrir sur la vie de Jane et de nous sortir de son point de vue subjectif. 
« J’imagine que pour certaines personnes le silence peut être reposant, voire réconfortant : des pleurs qui ont été calmés, une douleur apaisée, un doudou câliné. Mais, pour moi, c’est juste le moment avant que le monstre ne se réveille. »
Les Réponses possède le charme vieillot des vieux thrillers avec une modernité pourtant flagrante dans la forme du roman et dans son style également. Elizabeth Little a une plume qui me plaît beaucoup, très franche, percutante, parfois un brin sarcastique, qui va droit au but et correspond, pour le coup, vraiment au personnage de Jane. L'intrigue et le suspense sont savamment menés, je regrette juste une fin un peu brusque qui ne laisse que peu d'explication sur le devenir des personnages. Le roman aurait mérité quelques pages de plus. En tout cas, l'auteur prouve qu'elle a sa place dans le catalogue des Éditions Sonatine, et ceux-ci démontrent une fois de plus qu'ils ont du flair pour dénicher des pépites du genre.




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