jeudi 21 janvier 2016

[Film] Spotlight de Thomas McCarthy

Américain - 2h08
Sortie en France le 27 janvier 2016
Avec : Mark Ruffalo, Rachel McAdams, Michael Keaton

Adapté de faits réels, Spotlight retrace la fascinante enquête du Boston Globe – couronnée par le prix Pulitzer – qui a mis à jour un scandale sans précédent au sein de l’Eglise Catholique. Une équipe de journalistes d’investigation, baptisée Spotlight, a enquêté pendant 12 mois sur des suspicions d’abus sexuels au sein d’une des institutions les plus anciennes et les plus respectées au monde. L’enquête révèlera que L’Eglise Catholique a protégé pendant des décennies les personnalités religieuses, juridiques et politiques les plus en vue de Boston, et déclenchera par la suite une vague de révélations dans le monde entier. 
(Source : Allociné)

16/20

S'il est toujours intéressant (un peu poussé par une curiosité parfois très intrusive ? ) de voir porté sur écran un fait ayant défrayé la chronique, il est d'autant plus fascinant de pouvoir observer tout le travail journalistique qu'il y a derrière la révélation d'un tel scandale, et ce depuis l'intérieur. Spotlight nous plonge au cœur d'un petit groupe de quatre journalistes du Boston Globe pour nous faire suivre l'éclatement au grand jour de l'un des plus grands scandales au monde, qui leur a d'ailleurs valu le Prix Pulitzer. De base, ça en fait déjà clairement un film fascinant.


Mais bien sûr, puisqu'un bon sujet ne suffit pas, ce qui fait aussi de Spotlight un bon film, c'est que de bout en bout, son sujet est maîtrisé. En deux heures, le défi consistait à résumer une enquête qui a duré presque une année, sans éclipser des détails importants dans le cheminement de l'investigation des quatre journalistes, sans tomber à un quelconque moment dans le drama, dans la moralisation, mais en essayant de nous présenter avec le plus de clarté possible les recherches entreprises. Et pour aborder un sujet choc comme les affaires de pédophilie au sein de l'Église catholique, il valait mieux que le propos du film soit le plus clair possible.
J'ai aimé la façon dont le film ne cherche pas à suivre de logique manichéenne. Il n'y a pas de gentils justiciers, ni de méchants crapuleux. Bien entendu, certains ont plus les bons rôles que d'autres, mais dans le film, tout le monde est coupable à un moment ou à un autre. Que ce soit les hommes d'église, les avocats, les hommes politiques, jusqu'aux journalistes eux-mêmes, tous ont quelque chose à se reprocher dans cette affaire et dans les proportions qu'elle prend et qu'on lui découvre au fur et à mesure que l'enquête avance. 
L'enquête est captivante à suivre, on sent vraiment l'effet boule de neige de cet article qui, partant de presque rien, devient complètement démesuré pour se transformer en véritable scandale. Tout comme l'urgence de faire éclater au grand jour une telle histoire qui monte d'ailleurs crescendo à mesure que les découvertes s’enchaînent et crée un véritable suspense.


Cependant, et c'est un détail qui me plaît beaucoup car il redore, d'une certaine façon, le blason du journalisme en ce qui me concerne (qu'on voit trop souvent comme du journalisme à sensation et non comme du journalisme d'investigation comme c'est le cas dans le film), j'ai apprécié qu'ici les journalistes ne soient pas de simples chercheurs de gros scoops, mais se placent en dénonciateurs. Ils tiennent une histoire énorme, mais ils restent toujours dans une certaine éthique, dans une optique très professionnelle qui tend à faire les choses correctement et à aller au bout de leur cheminement pour livrer au public une histoire complète, sans raccourcis, sans faille et pas seulement destinée à faire les gros titres.

J'ai aussi été frappée par la façon dont les acteurs arrivent très bien à nous faire ressentir l'implication des journalistes qu'ils incarnent. Mark Ruffalo est tout simplement énorme, son enthousiasme est perceptible, on se sent impliqués avec lui dans chacune de ses recherches. Et globalement, que ce soit ce dernier, Michael Keaton ou Rachel McAdams, tous arrivent à faire transparaître un côté très humain à un monde du journalisme qu'on voit parfois comme très froid et calculateur. Il est fascinant de les voir évoluer, d'observer la mécanique de leur petit groupe également.

Je voulais voir Spotlight pour son sujet et la controverse qui l'entoure, et c'est finalement pour l'immense travail de journalisme qu'il y a derrière et pour la façon dont il est exposé et mis en scène que j'ai apprécié le film. C'était captivant. Le film sera peut-être délaissé à cause de son sujet, mais  pour moi qui aime les histoires chocs qui marquent et ouvrent les yeux, Spotlight a frappé très fort.



mercredi 20 janvier 2016

[Film] Brooklyn de John Crowley

Irlandais, Britannique, Canadien - 1h45
Sortie en France le 9 mars 2016
Avec : Saoirse Ronan, Emory Cohen, Domhnall Gleeson

Dans les années 50, une jeune Irlandaise part à New-York en espérant y trouver du travail. Employée dans un grand magasin, elle prend parallèlement des cours de comptabilité. Elle s'éprend d'un plombier italien, qu'elle épouse en secret. 
De retour dans son pays d'origine à la suite d'un tragique événement, elle se retrouve à l'heure des choix : quelle vie veut-elle mener ? 
(Source : Allociné)

15/20

Dans mon optique d'essayer de voir un maximum de films nominés aux Oscars avant la cérémonie fin février, j'ai sauté sur l'occasion de voir Brooklyn. Il faut dire que j'adore Saoirse Ronan, et qu'étant donné que la seule chose que je savais à propos du film était qu'elle y incarnait le rôle principal, ça a largement contribué à mon envie de le regarder.

Il ne faut pas s'attendre à plus que ce que le film propose. Brooklyn est une romance, ni plus, ni moins. Mais c'est une belle romance, bien adaptée (du roman Brooklyn de Colm Tóibín) et joliment mise en scène, une romance de celles qui font sourire et donnent envie de tomber, aussi, un peu amoureux. La construction du film reste très conventionnelle, on n'est pas réellement surpris par le cheminement du scénario et c'est sûrement d'ailleurs pour cette raison qu'on se laisse prendre si facilement par l'histoire. On se plonge avec simplicité dans les choix et dilemmes d'Ellis, dans ses difficultés à trouver sa voie et à trouver sa place.


J'adore l'Irlande, j'adore les irlandais, j'ai beaucoup aimé découvrir la vie de cette jeune irlandaise des années 50 qui part à l'aventure en Amérique. Le rôle colle tellement bien à Saoirse Ronan. J'aime sa fraîcheur, la naïveté qui transparaît dans sa manière de jouer. Je ne connaissais pas Emory Cohen, qui joue le rôle de Tony, le jeune italien dont s'éprend Ellis, mais j'ai beaucoup aimé sa prestation également. Il a un côté charmeur et maladroit qui est très en adéquation avec le personnage de Saoirse Ronan et qui rend le duo très sympathique. Un petit mot pour Domhnall Gleeson également que j'aime vraiment, même s'il apparaît peu, j'étais contente de le retrouver dans le film !


Le film joue beaucoup sur la corde sensible en mettant surtout en avant les émotions. Pourtant, ça ne tombe jamais dans le dramatique, oui, certains passages sont plus tristes que d'autres, mais j'ai apprécié les touches d'humour toujours habilement placées. Il en résulte un film très lumineux, qu'on prend plaisir à regarder.


Les ingrédients sont classiques, c'est ce qu'on pourrait facilement appeler un film "fait pour les Oscars" (avec le degrés de cynisme qui variera dans ce qualificatif en fonction de la personne avec qui vous discutez ^^) mais en ce qui me concerne, Brooklyn est un film qui m'a vraiment plu. Pas forcément celui qui me marquera le plus en 2016 (à voir ce que cette année nous réserve !) mais un film qui m'a mis de bonne humeur et que je prendrai sans doute plaisir à revoir un jour.



lundi 14 décembre 2015

[Livre] Tous nos jours parfaits de Jennifer Niven

Gallimard Jeunesse, 2015
384 pages
Date de parution originale : 6 janvier 2015
Titre VO : All the bright places

Quand Violet Markey et Thedore Finch se rencontrent, ils sont au bord du vide, en haut du clocher du lycée, décidés à en finir avec la vie. Finch est la "bête curieuse" de l'école. L'excentrique tourmenté et impulsif dont personne ne recherche la présence, qui oscille entre les périodes d'accablement dominées par des idées morbides et les phases "d'éveil" où il déborde d'énergie vitale. De son côté, Violet avait tout pour elle. Mais neuf mois plus tôt, sa sœur adorée est morte dans un accident de voiture. La survivante a perdu pied, s'est isolée et s'est laissée submerger par la culpabilité. Pour Violet et Finch, c'est le début d'une histoire d'amour bouleversante, l'histoire d'une fille qui réapprend à vivre avec un garçon qui veut mourir.

14/20

Je ne sais pas quoi dire de ce roman. Toute sa lecture m'a fait faire le yoyo émotionnellement. Un coup agacée, un coup déçue, un coup amusée, un coup touchée. Il en résulte que j'ai du mal à savoir ce que j'en ai réellement pensé. J'ai apprécié ma lecture dans l'ensemble, et Tous nos jours parfaits est très loin d'être un mauvais livre (au contraire même), mais... Voilà le problème, ce fameux "mais" a fini par pointer le bout de son nez.
« J’ai appris qu’il y avait du bon dans ce monde, si on prend la peine de bien chercher. J'ai appris que tous les êtres humains ne sont pas forcément décevants, moi y compris, et j’ai appris qu’un tas de terre de 387 mètres peut sembler plus haut qu’une tour quand on s’y perche avec la bonne personne. »
Je me suis plus attachée aux personnages que je pensais pouvoir le faire au début. Ou à Finch, du moins. C'est, après tout, le vrai personnage central du livre. Le plus intéressant, le plus ambigu, celui qui, dans ses grands moments, provoque en nous ce petit quelque chose qui fait la différence. Les autres personnages m'ont souvent semblé bien fades en comparaison. Même Violet ! C'est un personnage appréciable, on  ne peut pas la haïr face à ce qu'elle endure, mais ça s'est arrêté là me concernant.
« Tu me rends joli, et c'est tellement agréable d'être joli pour celle que j'aime... »
Alors, certes, le roman a un bon personnage central, mais ça ne suffit pas à faire une bonne histoire. Et ici, c'est clairement l'histoire qui me déçoit. Pas pour sa romance, je suis romantique dans l'âme, j'aime l'idée que deux personnes esquintées par la vie puisse se trouver, tomber amoureuses et se (re)construire ensemble. Surtout quand elles sont si différentes que Finch et Violet. Ça ne paraît pas si irréaliste en plus de ça. C'est souvent lors de grands bouleversements que l'on est amené à changer sa manière de voir les choses, les gens, les événements. Alors pourquoi pas ? En plus de ça, j'ai beaucoup aimé certains des moments de complicité entre les deux, ces petites idées farfelues et naïves que peuvent être la construction d'un bout d'espace et de ses étoiles dans un placard, ou le fait de se parler à coup de citations de grands auteurs.
« Je me demande si, en comptant à rebours, je pourrais remonter le temps et emporter Violet Markey avec moi, pour qu’on ait plus de temps ensemble. Parce que j’ai peur du temps.

Et de moi.
J’ai peur de moi-même. »
Malheureusement, ça non plus, ça ne suffit pas à faire une bonne histoire. Tout ce qui m'embête finalement, dans Tous nos jours parfaits, c'est la manière dont les événements sont abordés. Rien ne m'a semblé abouti, tout tombe dans la facilité trop rapidement.
« Tu es toutes les couleurs en une, à leur maximum d'éclat. »
Il en résulte une histoire au style joliment simpliste, bourrée de bonnes idées, mais qui ne semblent être restées qu'au stade de bourgeons. J'aurais aimé les voir éclore pourtant. Voir ces idées étoffées et donner une vraie consistance au roman. J'aurais aimé que cette histoire puisse être une vraie prise de conscience, comme une claque, au sujet du suicide, des troubles psychiatriques, du deuil, de tous ces thèmes difficiles qu'elle aborde. Ce ne fut pas le cas en ce qui me concerne et c'est bien dommage, il y avait beaucoup de potentiel.



vendredi 4 décembre 2015

[Livre] Red Hill de Jamie McGuire

J'ai lu, 2015
381 pages
Date de sortie originale : 1 octobre 2013
Titre VO : Red Hill

Scarlet est divorcée et mère de deux petites filles. Les élever seule est un combat quotidien qu'elle mène avec ténacité. Marié depuis plusieurs années à une femme de plus en plus distante, Nathan n'a qu'un vague souvenir de ce qu'est l'amour. En revanche, sa petite Zoe le comble de bonheur tous les jours. Miranda, elle, n'a qu'une préoccupation : l'organisation d'un week-end à la campagne avec sa soeur Ashley et leurs copains respectifs. Lorsque leur monde s'effondre, ces personnages ordinaires vont devoir affronter l'extraordinaire. Il leur faudra prendre en main leur destin pour avoir une chance de survie. Mais qu'arrive-t-il quand ceux pour qui vous êtes prêt à mourir sont aussi ceux qui peuvent vous détruire...?

14/20

Si les zombies poursuivent leur invasion dans la littérature depuis quelques temps, je n'avais jamais lu le genre zombiesque abordé sous une facette plus sentimentale, voire romantique par moment.
Car c'est ce qu'est Red Hill : plusieurs romances contemporaines qui se placent dans un univers apocalyptique peuplé de zombies.

J'ai été un peu surprise par ce parti pris, celui de, par moment, se concentrer d'avantage sur les sentiments et émotions des personnages que sur l'action en elle-même  (qui ne manque pas pourtant). En pleine apocalypse zombies, on attend peut-être un rythme plus effréné sur toute la longueur du roman plutôt que de temps  à autres.
« Heureusement qu'on est vendredi.   Heureusement qu'on est vendredi.   Heureusement qu'on est vendredi.   Juste avant de couper le contact, j'entendis à la radio un nouveau compte rendu de l'épidémie frappant l'Europe. Avec le recul, tout le monde savait ce qui se passait, mais c'était resté si longtemps un sujet de plaisanterie que nul ne voulait plus croire que cela arrivait réellement. Entre les séries télés, les bandes dessinées, les livres et les films traitant de morts vivants, il n'y avait rien de surprenant à ce que quelqu'un soit à la fois assez brillant et dérangé pour essayer d'en faire une réalité.   Je sais que la fin du monde a eu lieu un vendredi. C'est la dernière fois que j'ai vu mes enfants. »
Si l'histoire est plus ou moins courue d'avance, on prend tout de même plaisir à découvrir les protagonistes, à suivre les points de vue en alternance de Nathan, Miranda et Scarlett, à découvrir leur cheminement jusqu'à cette fameuse ferme de Red Hill qu'ils cherchent tous à rejoindre d'une façon ou d'une autre pour se mettre à l'abri. 
« Avant l’arrivée de la maladie, attendre était agaçant. À présent que les morts marchaient parmi les vivants, cela procurait la même sensation de viol qu’un cambriolage, le même désespoir que lorsque l’on perd quelque chose d’aussi précieux que ses clés ou son alliance, la même crainte insupportable qui nous affecte quand notre jeune enfant disparaît dans la foule d’un centre commercial, le tout compacté dans une unique boule d’émotions. »
D'ailleurs, le récit se coupe facilement en deux parties : l'avant Red Hill, et lorsqu'ils sont enfin tous là-bas. (Promis, ça ne spoile pas, comme je le disais plus haut, c'est couru d'avance, on sait absolument dès le début qu'ils vont tous se retrouver dans cette petite ferme isolée.)
Dans l'idée d'un roman sur les zombies avec toute l'horreur qu'implique une épidémie qui vient de débuter, la première partie m'a plus captivé. C'est ce côté apocalyptique qui me plaît, quand la panique s'installe et que le monde s'effondre. L'auteur le met plutôt bien en scène et j'ai apprécié l'idée que des femmes aux enfants, des jeunes aux vieux, des méchants aux gentils, personne ne soit épargné. Dans ce roman, tout le monde court le risque d'y passer, des simples figurants aux personnages principaux ou à leurs proches.
«  À moins d’habiter dans une grotte, tout le monde savait que le seul moyen de tuer quelqu’un déjà réputé mort était de lui exploser la cervelle. »
En passant, j'ai beaucoup aimé le fait que tout le monde sache ce qu'est un zombie ! Dans beaucoup de romans, films, comics, les zombies semblent tomber du ciel sans que personne n'ait jamais entendu parler de ceux-ci. C'est pourtant un élément très important du folklore horrifique, il semble difficile de croire que personne ne sache ce qu'ils sont. C'est pour ça que j'ai trouvé cet aspect très sympa : tous ont déjà vu des films ou séries sur les zombies, ils savent ce qu'ils sont et comment s'en débarrasser. Ça change !
« Regarder un film de zombies était une chose, regarder des zombies défiler sous votre fenêtre en était une autre. »
Si la première partie est donc plus concentrée sur la survie, la partie sur Red Hill cible plus les relations entre les personnages. Ça m'a parfois paru un peu en décalage, Red Hill ressemble  à un petit îlot en dehors du temps et les personnages vaquent à leurs occupations, se disputent, tombent amoureux, s'installent dans une routine qui semble parfois bien en décalage avec ce qu'il se passe dans le monde extérieur. 

C'est sans doute ce qui a fait basculer le roman de "J'ai adoré" à un simple "J'ai aimé" : malgré l'écriture fluide et simple de l'auteur et l'histoire qui se suit plaisamment, je dois avouer que j'apprécie les histoires d'amour lorsqu'elles sont moins conventionnelles, et au contraire, les histoires de zombies lorsqu'elles le sont plus.